jeudi 26 mars 2020


Le Millésime 2019
Une belle qualité malgré l’hétérogénéité



Une année chaude et sèche

Malgré un mois de janvier froid, l’hiver 2018/2019 est doux et sec, avec notamment + 2°C en décembre et février et   + 1°C en mars par rapport à la moyenne des 20 dernières années. Les pluies sont concentrées entre fin octobre et début février. En fin d’hiver, tous les secteurs présentent un déficit de pluviométrie ; il est de – 8% en Saint-Emilionnais. Cet hiver doux favorise un Débourrement précoce fin mars/début avril. La sortie apparait généreuse quoiqu’hétérogène.

Le printemps est humide et frais, voire froid en mai (-1,7°C) et juin, ralentissant la pousse et entrainant un feuillage jaunissant par endroits. Deux épisodes de gel frappent le vignoble le 13 avril ainsi que les 05 et 06 mai où les températures descendent localement à 4°C. Près de 10% du vignoble est touché, dans toutes les zones viticoles du Bordelais, principalement dans les secteurs historiquement gélifs.


L’été est caniculaire. De fin juin à fin juillet se déroule une période tout particulièrement chaude et sèche ponctuée d’épisodes caniculaires. Le 23 juillet, jour le plus chaud de l’année, sont enregistré des températures maximales supérieures à 40 °C, record historique dans de nombreux secteurs.
Deux épisodes de grêle sont à déplorer : le 19 juin en Blayais, Fronsadais et Médoc, puis le 06 juillet dans l’Entre-Deux-Mers et vers Sainte-Foy-la-Grande, avec heureusement des dégâts localisés.


Une précocité dans la moyenne

                             Courbe de Floraison selon les données du capteur de pollen de Saint-Emilion (source : Conseil des Vins de Saint-Emilion)

FLORAISON

Le radoucissement des températures fin mai favorise la Floraison, observée autour du 04 juin, soit la date moyenne des 30 dernières années. L’intensité de la Floraison permet de prévoir une quantité a priori dans une moyenne haute. La Floraison apparait hétérogène ; tout d’abord rapide en période chaude et sèche, elle est fortement perturbée par les pluies à partir du 05 juin (35 mm), entrainant coulure et millerandage, notamment dans les secteurs tardifs, et affectant le potentiel de production.


VERAISON
La Véraison commence fin juillet, en pleine période caniculaire entrainant un étalement et un début de blocage début août. La mi-Véraison est observée autour du 09 août soit avec 3 jours de retard sur la moyenne. Cet étalement de la véraison augmente encore l’hétérogénéité initiée à la floraison.
L’été caniculaire conduit à un stress hydrique important, néanmoins variable selon les sols et l’âge de la vigne. On observe début août des brûlures sur feuilles et sur grappes exposées au soleil, mais le vignoble réagit globalement bien, comme habitué suite à ce 5ème été de sècheresse consécutif. Il semble que finalement le vignoble ait souffert
                                                                                 d’avantage du trop chaud que du trop sec.
La principale conséquence du stress hydrique sera la forte mortalité de pieds liée à l’Esca.
L’arrêt de croissance de la vigne sera progressif et étalé dans le temps jusque début septembre.


Grappe millerandée suite aux mauvaises conditions de la Floraison
Hétérogénéité bien visible à la Véraison
  



Le climat 2019 chaud et sec permet un faible développement des maladies cryptogamiques, malgré un potentiel de risque a priori très important. Ainsi l’intensité des traitements phytosanitaires est sensiblement plus faible qu’en 2018.
Le principal problème est lié à la pression vers de la grappe, notamment en 3ème génération autour de la mi-août, qui occasionne de nombreuses perforations de baies et ouvre la porte au risque Botrytis. Le Botrytis se développera de manière très limité suite aux éclatements de baies consécutifs aux pluies du 22 septembre.

Perforation de larve d’Eudémis
Forte pression des vers de la grappe (Source : Bulletin de Santé du Végétal)

     
   














Le climat chaud et sec de l’été 2019 conduit à des baies de petite taille avec des peaux épaisses et croquantes, et une chair qui a du mal à se liquéfier. On observe une rapide accumulation des Sucres sans dégringolade des Acidités, grâce à des taux d’Acide Tartrique importants et à un phénomène de concentration par flétrissement. Ainsi La Maturité Technologique de la plupart des Merlots est atteinte rapidement, autour de 10 septembre, mais on observe un décalage entre maturité de la pulpe (technologique) et maturité de la pellicule (phénolique et aromatique). Celle-ci, ralentie par le stress hydrique, ne sera atteinte que 10 à 15 jours plus tard. Les pluies (environ 20 mm) du 22 septembre seront bénéfiques et permettront autant de finaliser la maturité de la pellicule que de grossir les baies.
Ce décalage entre maturités de la pulpe et de la pellicule est inhabituel à Bordeaux. Il avait déjà été observé lors de millésimes très chauds comme 1990, 2003 ou encore 2018. En 2019, canicule et stress hydrique entrainent un phénomène de flétrissement qui diminue les rendements et concentre les raisins à la fois en sucres et en acidité. A contrario, la concentration en couleur et la maturité des tanins sont plus difficiles à obtenir. Ainsi la vendange 2019 est caractérisée par de forts degrés (de l’ordre de 14% vol., voire davantage), une bonne réserve acide mais un léger déficit en couleur et en structure.


                                  Evolution des Sucres, des Acides et de la couleur d’une parcelle de Merlot au cours de la maturation du millésime 2019


A la veille de la récolte, le vignoble est parfaitement sain ; les baies sont petites et les quantités apparaissent déficitaires, malgré le grossissement des baies suite aux pluies du 22 septembre. Les raisins sont gorgés de sucres tout en conservant un bon potentiel acide ; les peaux sont épaisses, riches en arômes de fruits ; les baies sont délicieuses à déguster.


Une récolte rapide

La récolte des premiers Merlots se fait dans les terroirs précoces (Pomerol, Margaux) vers le 18 septembre, puis se généralise après les pluies du 22. Les Cabernets évoluent particulièrement bien et présentent un très beau potentiel à la récolte, début octobre.
A partir de 22 septembre, le temps frais et humide accélère la maturation, mais augmente également la pression Botrytis, notamment dans les parcelles touchées par le vers de la grappe. Ainsi la récolte des rouges sera-t-elle rapide, s’étalant globalement du 20 septembre au 15 octobre.


Malgré la richesse en Sucres, les fermentations alcooliques se déroulent sans grands problèmes, à l’inverse du millésime 2018. A contrario, la libération de la couleur et de la structure (Tanins et gras) au cours de la macération, s’avère plus délicate. Fréquence des remontages/pigeages/délestages et températures post fermentaires seront les clés de l’extraction, au cours de macérations qui seront relativement courtes.


Une belle qualité quoiqu’hétérogène

Le millésime 2019, issu d’un climat chaud et sec, est clairement un millésime de réchauffement climatique. L’incidence sur les différents types de vin est variable.

Les Blancs secs de Bordeaux sont les premiers à bénéficier de ce réchauffement du climat. Les journées chaudes concentrent la matière en bouche et apportent du gras, alors que les nuits fraiches permettent de conserver la fraicheur aromatique. Issus de rendements modérés ; les blancs secs 2019 sont aromatiques avec une bonne typicité des cépages, et présentent des bouches souples avec une bonne tension. Les vins de Sémillon s’habillent de robes légèrement dorées, de délicats arômes floraux ou de fruits à chair blanche, avec des bouches souples et rondes. Les Sauvignons sont expressifs et typés avec une dominante agrumes (thiols) et parfois fruits exotiques, et avec toujours une bonne fraicheur.
Les Rosés, suivent la même tendance et sont particulièrement réussis : couleurs pâles, arômes variétaux entre les agrumes et les petits fruits rouges, souples et vifs avec des finales très douces. Ils sont parfaitement en phase avec la demande du consommateur, et démontrent une nouvelle fois, la parfaite maitrise de ces produits acquise par la viticulture bordelaise.



Les Rouges réagissent différemment au réchauffement du climat, en fonction des terroirs et des cépages.
Les Cabernets sont les grands vainqueurs. Bénéficiant d’une meilleure maturité, ils développent des couleurs sombres, des nez de petits fruits et de notes épicées, sur des bouches denses et rondes.
Les Merlots les meilleurs révèlent la promesse des beaux raisins récoltés : une couleur noire comme de l’encre, des arômes noirs comme des petits fruits, des bouches noires comme du chocolat avec de la rondeur et de la sucrosité. La plupart expriment le triptyque cher à Bordeaux : couleur / fruité / rondeur. Mais lorsqu’ils ont trop souffert du stress hydrique, ils sont plus simples et présentent moins de concentration, tout en demeurant fruités, souples et agréables, avec un moindre potentiel de garde. Sur certain terroirs, filtrants et traditionnellement précoces, ils montrent parfois leurs limites.
Des rouges 2019 hétérogènes, à l’image de l’hétérogénéité observée depuis la floraison jusqu’à la récolte.

Les Blancs liquoreux n’ont pas été favorisés par le climat, trop sec début septembre, puis trop humide à la suite des pluies du 22, entraînant l’installation de la pourriture acide. Les tries, longues et fastidieuses pour ne garder que le meilleur, conduisent à des rendements faibles. Il en résulte des vins avec du volume et de l'équilibre exprimant les fruits confits.

2019 : un nouveau millésime réussi à Bordeaux

2019, millésime de sècheresse, est marqué par ses rendements déficitaires et son décalage entre maturité technologique et phénolique. Ressemblant davantage à ce que l’on rencontre dans l’hémisphère Sud que traditionnellement à Bordeaux, il est pour le vinificateur une situation inhabituelle et un défi nouveau.
Bien conduites, les vinifications révèlent des vins mûrs : colorés, aux arômes de petits fruits noirs, avec de belles rondeurs de bouche. Des vins très en phase avec la demande actuelle du Marché ; des vins aptes à relancer les ventes actuellement ‘’timides’’ des vins de Bordeaux.

mercredi 25 mars 2020


Le Millésime 2018
Un millésime exceptionnel, malgré le Mildiou



Un hiver froid et humide

Toutes les données climatiques proviennent de la station météo de Saint-Emilion (source : Demeter)


Malgré un mois de janvier particulièrement doux, l’hiver 2018 est froid et humide, avec notamment – 2,2°C en février et près de – 1°C en mars par rapport à la moyenne des 20 dernières années. On compte plus de 50 jours de pluie et l’excédent de pluviométrie en fin d’hiver est de + 29% ! Suite au gel de 2017, les travaux de taille sont difficiles et demandent sensiblement plus de temps que d’habitude.




Début avril est frais et humide, les sols sont froids et saturés d’eau retardant le débourrement jusqu’à mi-avril. La sortie apparaît généreuse et assez homogène. Les sols les plus filtrants se ressuient les plus vite, permettant un débourrement et une reprise des travaux plus précoce ; les sols argileux, eux, se ressuient seulement suite aux températures élevées de fin de mois.




Un été caniculaire

                           Courbes de Floraison selon les données du capteur de pollen de Saint-Emilion (source : Conseil des Vins de Saint-Emilion)

Mai est doux et sec, conformément aux moyennes, et favorise une pousse active ainsi qu’une Floraison précoce dans les derniers jours du mois (mais avec 5 jours de retard sur 2017, année exceptionnellement précoce). La mi-Floraison est observée au 1er juin soit avec 3 jours d’avance sur la moyenne. On note une précocité des Cabernets francs comparable à celle des Merlots. La Floraison apparaît hétérogène, tout d’abord rapide en période chaude et sèche, elle est perturbée par les pluies à partir du 03 juin, entraînant un peu de coulure et de millerandage. L’intensité de la Floraison permet de prévoir une quantité a priori dans une moyenne haute.
Si début juin est frais et humide, retardant la floraison des Cabernets sauvignons, l’été est chaud avec + 1,5°C par rapport aux moyennes. La Véraison commence fin juillet, en pleine période caniculaire entraînant un étalement et un début de blocage début août. La mi-Véraison est observée autour du 03 août soit avec 3 jours d’avance sur la moyenne.
Le temps chaud et sec de juillet/août, avec plusieurs périodes caniculaires (fin juin, fin juillet, début août et vers le 20 août), entraîne un stress hydrique progressif qui conduit à un arrêt de croissance précoce et net, fin août. La vigne ne poussera plus jusqu’au pluies de mi-octobre qui verront l’apparition de quelques nouvelles feuilles.

Stress hydrique sur Merlot sur sol sablo-graveleux
Deux épisodes de stress hydrique important sont observés. Le premier au moment de la période caniculaire de début août, entraînant un ralentissement et un début de blocage de la maturation, particulièrement sur les Cabernets francs. Il sera levé suite aux pluies légères (14 mm) mais salvatrice du 08 août. Le second, du 07 septembre au 07 octobre, 1 mois sans quasiment une goutte de pluie, période correspondant à la fin de maturation et à la récolte des cépages rouges.


Flétrissement sur grappe de Merlot au moment de la récolte

Ce stress hydrique (déficit de pluviométrie de  - 20% d’août à fin octobre) entraînera un blocage d’évolution de la maturité pour quelques rares parcelles - jeunes vignes ou graves profondes –, une mortalité importante de pieds en fin de saison, mais surtout un phénomène de flétrissement généralisé avec une perte de volume non négligeable.


       




Une pression Mildiou d’une rare intensité

Le Mildiou a été l’ennemi N°1 du vignoble et a entraîné pour les viticulteurs un travail acharné pour essayer de sauver la récolte.
Au cours du mois de mars et de la 1ère quinzaine d’avril (46 jours), on compte 36 jours de pluie. Sur certains sols, il est difficile de pénétrer dans les parcelles pour appliquer les premiers traitements. Les toutes premières taches de Mildiou sont observées après les pluies de fin avril, succédant une période chaude d’une dizaine de jours. Cette succession de périodes chaudes entrecoupées de pluies se retrouvera en mai et en juin, conduisant à une humidité permanente et un ressenti de climat ‘’équatorial’’. Fin mai, les taches apparaissent sporulantes et la maladie se développe ; les premiers symptômes sur inflorescences (rot gris) sont observés. Suite aux pluies de la mi-juin, de plus en plus de parcelles sont atteintes sur grappes (rot brun), notamment pour le cépage Merlot.
Le temps chaud et sec de la deuxième quinzaine de juin, ralentit l’évolution de la maladie, mais les pluies de fin juin-début juillet ainsi que les rosées matinales activent à nouveau son développement de manière très virulente, sur feuilles et surtout sur grappes. Les baies atteintes sèchent et se momifient, entraînant des pertes de récolte. Juillet chaud et sec permet enfin un ralentissement de l’évolution de la maladie qui stoppera début août avec la véraison. Mais le mal est fait dans de nombreuses situations avec des pertes de récolte parfois conséquentes, malgré 3 mois de lutte acharnée des viticulteurs pour contenir la maladie.

Mildiou sporulant sur baies à la nouaison


Une maturation idéale

Amplitude Thermique et Pluviométrie de Juin à Octobre 
Si les conditions météo du millésime sont favorables au développement du Mildiou, le temps durant tout l’été et le début de l’automne (mi-juin à mi-octobre), est également idéal pour une bonne évolution de la maturité.
Le temps est chaud et sec mais avec juste ce qu’il faut de pluie pour favoriser le développement de la plante et la maturation des raisins. Ainsi s’il ne pleut jamais beaucoup, il pleut régulièrement, tous les 15/20 jours, et suffisamment pour éviter un stress hydrique trop important ou un blocage de la maturité.

Dans ces conditions, les baies se gorgent rapidement de Sucres et dégradent rapidement leur Acide Malique. Les degrés d’alcool potentiels sont élevés (environ 14%vol.) mais on n’assiste pas à une dégringolade des Acidités, grâce à des taux d’Acide Tartrique importants.

                                                   Evolution des Sucres et des Acides au cours de la maturation d’une parcelle de Merlot


La sécheresse de l’été conduit à des baies petites avec des peaux épaisses et croquantes, et une chair qui aura du mal à se liquéfier.
La Maturité Technologique est atteinte rapidement, dès début juillet, mais on observe un décalage entre maturité de la pulpe (technologique) et maturité de la pellicule (phénolique et aromatique).
Dans les pellicules, les molécules aromatiques végétales (pyrazines) sont rapidement dégradées par la chaleur estivale. Par ailleurs, au cours de la période mi-juin à mi-octobre, on observe une très grande amplitude thermique jour/nuit, avec une moyenne de 15°C, dont plus de 30 jours (soit un jour sur deux) proches de 20°C. Cette grande amplitude thermique sur une si longue période, de la Véraison à la récolte, est tout particulièrement favorable à la synthèse de couleur et d’arômes de fruits dans les pellicules des baies de raisin.
Les pépins, eux, évoluent vers un très bon niveau de maturité, leur permettant de libérer une quantité importante de tanins fondus et ‘’sucrés’’.


Une vinification technique

La récolte commence par les Merlots vers le 20 septembre et se termine par les Cabernets sauvignons un mois plus tard. Les raisins sont mûrs avec de bons équilibres Sucres/Acides, riches en bons Tanins, en couleur et en fruits. Les conditions de récolte - journées ensoleillées, chaudes et sèches avec des nuits fraîches, sans aucune pression Botrytis – permettent de vendanger à la carte, parcelle par parcelle, chacune selon le profil recherché par le vinificateur. Des vendanges de rêve !

Lors de la vinification, la matière apparaît ‘’généreuse’’, en ce sens qu’elle donne facilement : couleur, fruits mûrs, rondeur et structure. Les extractions peuvent se faire tout en douceur, et les macérations sont relativement courtes. A l’inverse, la maîtrise des aspects fermentaires est bien plus délicate. Moûts riches en Sucres et pauvres en Azote, résidus de produits phytosanitaires et de Cuivre, relargage de Sucres après écoulage…, faire des vins tout simplement secs s’avère un long jeu de patience, heureusement sans grande pression Brettanomyces.


Une qualité magnifique

A la dégustation, les vins nouveaux révèlent une qualité magnifique.

Les Blancs secs sont très aromatiques avec une bonne typicité des cépages, beaucoup de souplesse et de fraîcheur. Les vins de Sémillons présentent de belles robes légèrement dorées, de délicats arômes floraux ou de fruits à chair blanche, et des bouches rondes avec du gras. Les Sauvignons sont expressifs et typés : agrumes (thiols) ou fruits exotiques, avec toujours une bonne fraîcheur.
Les Rosés, amyliques ou variétaux, sont souples et vifs, avec des finales très douces, et présentent des couleurs très pâles en phase avec la demande du consommateur.


Les Rouges, particulièrement colorés, expriment des arômes de petits fruits noirs, et des bouches tout en rondeur et en sucrosité ; ils sont à la fois de belle concentration et faciles à boire. Les Merlots sont particulièrement fruités, avec des bouches riches et rondes où les tanins s’expriment davantage par la sucrosité que par la structure. Les Cabernets sont magnifiques, d’un niveau de qualité qu’on ne rencontre que dans les grands millésimes. Les Cabernets sauvignons présentent des couleurs sombres, des nez de petits fruits noirs et de réglisse, sur des bouches denses et rondes ; les Cabernets francs sont exceptionnels : explosion de fruits mûrs et d’épices accompagnant des tanins d’une maturité rare ; LE cépage du millésime !
Les Blancs liquoreux présentent du volume, du gras et ce qu’il faut de fraîcheur pour équilibrer la bouche, avec des arômes de fruits confits d’une très belle finesse.


2018 : un millésime exceptionnel

2018 a été une année dure pour la viticulture car il a fallu mener une lutte sans relâche contre le Mildiou pour sauver la récolte, avec des résultats +/- satisfaisants. Mais la récompense de ces efforts est un millésime de très belle qualité, avec une maturité parfaite pour tous les cépages, et des vins alliant concentration, rondeur et équilibre ; des vins qui raviront les consommateurs et qui inscrivent 2018 assurément parmi les grands millésimes du XXIème siècle.


Le Millésime 2017
 Année particulièrement précoce / Année du Gel



Toutes les données climatiques proviennent de la station météo de Saint-Emilion (source : Demeter)

Le début de l’hiver 2017 est froid et particulièrement sec, avec notamment – 2,2°C en janvier par rapport à la moyenne des 20 dernières années. A l’inverse, février et mars sont doux (+ 1,5 à 2 °C) et légèrement humide. Le déficit de pluviométrie en fin d’hiver est de -25%.
Fin mars, particulièrement doux, avec des journées à 25°C, favorise un débourrement précoce. La sortie apparait homogène avec peu de fenêtres et de nombreux contre-bourgeons.


Un gel historique
      

Avril très doux et très sec favorise une bonne pousse et limite le développement des maladies cryptogamiques (Mildiou, Black Rot, Oïdium).
Vers la fin du mois, un brusque refroidissement les 21 et 22 avril et surtout les 27, 28 et 29, avec des températures jusqu’à -5°C, brûle les parties végétatives déjà particulièrement bien développées. C’est un gel historique qui frappe le vignoble de Bordeaux, mais également de nombreuses régions viticoles en France, en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Italie et en Espagne.
Les dégâts sont très variables selon les situations, avec des parcelles pas ou peu touchées et des milliers d’hectares détruits à 100%.
La repousse des fenêtres et des contre-bourgeons est observée environ 4 semaines après le gel. La sortie de grappes est très variable, mais toujours déficitaire. On estime la perte de rendement au niveau du Bordelais à -50%.


Un millésime multiple


Suite au gel, le millésime devient multiple, avec des vignes non gelées et d’autres complètement ou partiellement gelées.
Mai et juin, doux (+ 1,5 °C) et humides, favorisent une bonne reprise de la végétation. La pousse est particulièrement active, autant pour les rameaux, que les entre-cœurs et les pampres. Les différentes opérations d’épamprage, levage, relevage, rognage… arrivent toutes en même temps, et les travaux en verts prennent du retard.
Pour les vignes non gelées, la mi-floraison est observée vers le 25-30 mai, positionnant le millésime 2017 parmi les plus précoces des 20 dernières années, avec 2011, 2003 et 1997. La floraison est rapide et homogène, avec très peu de coulure. Les vignes gelées, elles, fleurissent avec 3 semaines de retard, vers la mi-juin. Fin juin, une semaine de pluie (95 mm cumulés) réduit le déficit hydrique.
En juillet et août, les températures sont conformes aux moyennes, malgré un mois de juillet avec un fort déficit d’ensoleillement. La pluviométrie est à nouveau déficitaire ; il ne tombe que 40% des pluies habituelles (50 mm en 70 jours – 01/07 au 07/09). Fin août, le déficit de pluviométrie depuis le début de l’année est de -20%.
La mi-véraison des vignes non gelées est observée autour du 25 juillet, confirmant l’extrême précocité du millésime (2 semaines d’avance sur la moyenne). La véraison est précoce et regroupée. Les vignes gelées vèrent avec 2 semaines de retard, vers le 15 août.


Des vendanges rapides


La récolte des cépages Blancs commence dans les derniers jours d’août, sous d’excellentes conditions.

Début septembre (03 au 18 septembre) une période de 15 jours froids (-1,6°C) et humides (50 mm en 10 jours ininterrompus), avec une faible amplitude de températures jour/nuit, retarde la maturation. La pluie tant espérée arrive mais en même temps favorise le développement du Botrytis. Il s’en suivra un démarrage généralisé des vendanges des cépages rouges. Elles seront rapides et se termineront avec les derniers jours de septembre.


Une vendange plus hétérogène que jamais

La particularité de la vendange 2017 est son extrême hétérogénéité suite au gel d’avril : parcelles non touchées par le gel, parcelles entièrement gelées fleurissant avec 3 semaines de retard, parcelles gelées partiellement, certains pieds gelés dans une parcelle et d’autres non… L’hétérogénéité des situations est inédite et pose le problème du tri des différentes qualités. Tri d’autant plus compliqué par la perte de récolte qui diminue les rendements et oblige à changer les habitudes de gestion parcellaire et le remplissage des cuves, les cuves s’avérant souvent trop grandes pour les faibles quantités récoltées. La solution idéale consiste en un tri minutieux des différentes maturités et un étalement de la récolte. Les conditions météo de mi-septembre et la pression Botrytis n’ont souvent pas permis sa mise en œuvre. Souvent le tri se limite à 3 catégories : les meilleurs potentiels, les moins bons et le reste.


Parcelles de Merlot du Libournais photographiées le même jour (17/08/2017)



Une maturité inespérée

L’analyse et la dégustation des baies à la veille de la récolte révèlent une maturité au-delà des espérances.


Les niveaux de Sucres sont bons sans être excessifs pour les vignes non gelées (parfois un peu justes pour les cabernets). Les Acidités – notamment l’Acide Malique - apportent de la fraîcheur. Les arômes sont fruités et frais, sans surmaturation et avec très peu de notes végétales. Les pépins sont mûrs avec des tanins apportant de la rondeur et sans agressivité.


Tout porte à croire que les vignes gelées, peu chargées, ont accéléré leur processus de maturation. Ainsi, alors qu’en moyenne la durée entre mi-floraison et récolte et de 110 jours pour le cépage Merlot, l’observation sur Merlots gelés cette année montre une durée de maturation de 95 jours et donc un rattrapage de maturité.





Une vinification technique

La récolte est rapide, la principale difficulté consistant à obtenir des cuves pleines vues les faibles quantités vendangées.
Les aspects fermentaires se déroulent rapidement et sans problème, ni d’arrêt de fermentation, ni de malolactiques, ni de pression Brettanomyces.
L’extraction de la couleur et de la structure des vins rouges est plus délicate. La matière apparait ‘’avare’’, ne voulant pas donner. Il faudra aux vinificateurs de la patience et la mise en œuvre de tous leurs savoir-faire (gestion des températures, remontages, délestages…) pour obtenir les concentrations et équilibres recherchés.


Une qualité surprenante

A la dégustation, les vins nouveaux révèlent une qualité surprenante.

Les Blancs sont particulièrement réussis grace à un climat ayant permis de conserver la fraicheur du fruit. Les Blancs secs sont aromatiques et frais avec des bouches souples et tendues par une bonne acidité. Les Blancs liquoreux ont bénéficié d’une installation précoce du Botrytis favorisant une bonne concentration. Ils expriment finesse et fraicheur du fruit, volume, gras et longueur en bouche : un grand millésime
Les Rosés, amyliques ou variétaux, sont souples et vifs, avec des finales très douces, et présentent des couleurs très pâles en phase avec la demande du consommateur.


Les rouges sont hétérogènes. Ils présentent très peu de caractères végétaux comme on pouvait l’attendre mais soufrent parfois d’un manque de concentration. Ils allient souplesse et fraicheur en entrée de gamme, rondeur et densité pour les plus ambitieux, mais toujours avec une très bonne buvabilité. Des vins très en phase avec la demande des Marchés.


2017 : millésime historique

Le millésime 2017 restera dans les mémoires. On en parlera à nos enfants en évoquant ces nuits glaciales de fin avril qui ont détruit près de 50% de la production. Les conséquences économiques sont désastreuses pour les producteurs mais également pour toute la filière (négociants, courtiers, fournisseurs…) et au-delà toute l’économie régionale, fortement dépendante de l’activité viticole.

Les vins du millésime seront eux, dégustés avec plaisir car 2017 est un bon millésime, à la qualité inespérée.

Ordre du Mérite Agricole - Quand on te remet le Poireau


2016 est mon 30ème millésime et marque mes 20 ans à la direction du Centre Œnologique de Coutras.
De nombreuses années de passion qui ont donné lieu à la remise d’une distinction : la Croix de Chevalier de l’Ordre du Mérite Agricole.
C'est pas bon signe ! Quand vous commencez à recevoir des médailles, c'est que vous êtes plus près de la fin que du début... Mais ne gâchons pas notre plaisir, à cette occasion, une cérémonie a réuni une centaine de personnes à la veille des vendanges 2016.




Discours prononcé le mardi 20 septembre 2016 à l’UCVA de Coutras par Michel-Pierre MASSONIE, Commandeur et Président de l’Ordre du Mérite Agricole à l’occasion de la remise de la Croix de Chevalier dans l’Ordre du Mérite Agricole à Monsieur PASCAL HENOT, Directeur du Centre Œnologique de Coutras


A l'issue de la remise de la médaille, j'ai à mon tour dis quelques mots de remerciements à un certain nombre de personnes qui me sont chères :
     
                                               "Bonjour à tous
Bonjour aux Présidents, aux Directeurs,
A Mesdames et Messieurs les Producteurs, les Maitres de chais, les Techniciens, les Gens du Vin
A mes Collaborateurs, mes Collègues et mes Amis
Rassurez vous, je ne vais pas faire un long discours
Cette distinction, que je reçois avec honneur et avec grand plaisir
Est l’occasion de nous retrouver aujourd’hui à la veille d’un nouveau millésime qui s’annonce très bien
L’occasion également de remercier certaines personnes à qui je dois cette récompense 

Je voudrais tout d’abord remercier ceux qui m’ont proposé pour cette distinction, qui ont œuvré à l’avancement de mon dossier : Ils se reconnaitront
Je voudrais ensuite remercier mes parents à qui je dois beaucoup
Ils ne sont pas parmi nous, mais dans ma Lorraine natale où ils profitent de leur retraite
Mon Père tout d’abord
Mon Père a toujours été un grand amateur de vin
C’est lui qui m’a appris le vin : à le déguster, à l’apprécier, à le comprendre et à le respecter aussi
Si je suis là aujourd’hui parmi vous, c’est pour beaucoup grace à mon Père
Si je suis oenologue et que j’ai choisi ce métier, il en est pour beaucoup
Ma Maman, elle, est une grande cuisinière
Elle m’a appris les goûts, les équilibres, les accords entre les mets et les vins
Je leur dois beaucoup à tous les deux 

Je voudrais ensuite remercier quelqu’un qui est parmi nous, que vous connaissez tous :
Monsieur Jean-Pierre Callède
Monsieur Callède, c’est un peu mon père spiriuel, d’autant qu’il a le même age que mon père
Lorsque je suis arrivé au laboratoire de Coutras le 08 août 1996, il y a 20 ans
Vous m’avez accueillis avec beaucoup de gentillesse, et vous m’avez beaucoup appris
J’avais une petite expérience d’une dizaine d’année et je connaissais un peu le vin
Mais il y a un dommaine ou j’avais tout à apprendre : c’est la vigne
Pendant les quelques mois que j’ai passé à vos côtés, j’ai plus appris que pendant les 10 années précédentes
Vous m’avez appris que la qualité d’un vin est déjà inscrite dans la qualité du raisin
Et que la maturité du raisin à la récolte était fondammentale
La maturité du raisin est un sujet qui vous passionnait et qui me passionne aujourd’hui
Pour tout ce que vous m’avez appris : Merci ! 

Je voudrais remercier également toute l’équipe de l’UCVA : son Président Monsieur Burnereau, son Directeur Monsieur Letourneau et leurs collaborateurs
Vous m’avez toujours accueilli comme un membre de votre équipe, alors que je n’étais que votre voisin
C’est quelque chose que j’ai toujours apprécié et je me suis toujours senti comme un membre de votre famille. Merci pour ça 

Je voudrais ensuite associer à cette distinction une autre personne qui est parmi nous
Elle s’appelle Béatrice. C’est mon épouse
Béatrice, mon engagement pour mon travail m’a souvent éloigné
Les samedis pendant les vendanges
Tout ces soirs ou je rentre tard et où tu m’appelles en me disant : tu rentres ou on commence à diner sans toi ?
Ces moments ou je suis en déplacement aussi pendant plusieurs jours
Pendant ces temps d’absence, tu es là toi et tu t’es toujours occupé de tout,
Des enfants notamment, alors que toi aussi tu as un travail prenant
Nos enfants font actuellement leurs études et nous les voyons peu
Nous avons la chance aujourd’hui d’avoir parmi nous Alice
Je dis la chance car ses études de commerce l’emmène souvent à l’étranger
Notre fils Boris lui, est actuellement en stage dans une winery aux Etats-Unis
Nous le reverrons dans quelques semaines
Béatrice, toi aussi tu mérites une récompense que voilà… 

Il me faut aussi remercier mes Collaborateurs
Ceux qui partagent mon quotidien, et ce n’est peut-être pas tous les jours facile
Vous formez une très bonne équipe
Vous êtes sérieux, appliqués et enthousiastes
Et j'ai plaisir à travailler à vos côtés
Merci pour votre engagement 

Enfin, je voudrais vous remercier vous tous, les Gens du Vin
J’ai la chance de faire mon métier à vos côtés, avec vous, ensemble
Ensemble nous travaillons à toujours faire le meilleur vin possible
Pour exprimer le meilleur des terroirs
Et pour toujours satisfaire le consommateur
C’est pour cela que j’ai voulu recevoir cette distinction parmi vous
Car c’est à vous que je la dois 

Je vous propose maintenant de partager un verre
Un verre de vin de Bordeaux bien sûr
Merci à vous tous
Et bonnes vendanges !"