vendredi 29 mars 2013

Vendredis du Vin #54: Soyons Joueurs !

Les Vendredis du Vin sont un défi, un jeu entre boggeurs du vin.
Chaque mois, un nouveau Président est désigné. Il lui revient la responsabilité de choisir un thème, de collecter les réponses des participants et d'en faire un résumé. Le défi pour les participants est d'écrire sur leur blog un post en rapport avec le thème choisi, et cela pour le dernier vendredi du mois. J'ai été invité à participer au Vendredi du vin N°54 dont le thème est : dégustation à l'aveugle - soyons joueur !
Lien : vdv #54, soyons joueurs ! sur le site d'Anne Graindorge Présidente du mois
         
La dégustation à l'aveugle consiste à déguster un vin en n'ayant aucune indication à priori. Ni le cépage, ni l'appellation, ni le millésime, ni le producteur... Rien d'autre que les informations fournies par les sens : vue, olfaction et goût. C'est une dégustation difficile, école de la modestie. C'est celle pratiquée au quotidien dans mon métier d'oenologue. Mais ce n'est pas exactement de cette dégustation là que je veux vous parler.


La dégustation à l'aveugle que j'ai envie de partager avec vous est probablement la plus étonnante qu'il m'a été donné de faire. Cette dégustation consistait à déguster non pas à l'aveugle, mais comme un aveugle. C'est à dire dans le noir total !
 
Nous étions un groupe de 4 personnes. Avant d'entrer dans la chambre noire on nous a demandé d'éteindre nos portables, de retirer nos montres aux aiguilles phosphorescentes, afin qu'aucune source de lumière ne pénètre. En file indienne, chacun avec une main sur l'épaule de l'autre, nous pénétrons dans la chambre, après avoir franchi plusieurs rideaux lourds et épais. Nous arrivons dans le noir le plus total. Bien plus sombre que le noir de la nuit ou que celui que l'on "voit" si l'on ferme les yeux. Je ne sais pas où je suis. Rien à regarder. Aucune image où poser les yeux. Seul un petit comptoir auquel je me cramponne, car c'est mon seul repère. Une personne s'approche. Sa voix est chaude, rassurante. Elle nous met à l'aise. Il fait noir. Il fait frais. On se sent bien. On nous met à chacun un verre dans la main, que l'on prend maladroitement. La dégustation commence.
 
©Chambre d’Agriculture Gironde
©Chambre d’Agriculture Gironde
©Chambre d’Agriculture Gironde

Le nez est intense, expressif. C'est frais : pamplemousse, pêche, une note végétale. C'est du sauvignon ça ! La bouche est souple et vive, fraiche, désaltérante et équilibrée. C'est très agréable. Chacun s'exprime ; avec facilité et sans complexe. Il y a plusieurs petits groupes dans la chambre noire, mais c'est comme si on était tout seul. Alors, qu'avez-vous dégusté ? Nous demande la voix rassurante de notre guide. Je propose un vin blanc. Un Bordeaux 2010. C'est un Entre-Deux-Mers 2010. Pas mal. On nous reprend notre verre et nous en remet un 2ème. Nez moyennement expressif. Frais et délicat. Arômes fruités et floraux. Fruits rouges, abricot, pivoine. Ca évoque un rosé. La bouche est souple et ronde, avec un bon taux de CO2 apportant de la fraicheur. C'est gourmant. Ca donne envie de le boire. Je propose un Bordeaux rosé 2011. Gagné.
3ème verre. Nez discret, peu expressif. Pas d'indication visuelle, pas d'indication olfactive. A ce stade je ne sais pas ce que je goûte. L'attaque en bouche est souple, puis apparaissent des tanins. Il y a une certaine structure, mais l'ensemble est léger. La finale est un peu sèche, puis courte. Ce vin m'apporte peu de plaisir. Je ne le comprends pas. Je n'ai aucune idée de ce que je goûte ! A côté de moi quelqu'un propose un blanc boisé. Bien vu, c'est un Graves blanc vinifié en barriques. Moi j'ai rien vu ; j'ai rien compris. Dégustation à l'aveugle : école de la modestie.
La dégustation est terminée. Tout le monde est enchanté de l'expérience. Notre guide nous raccompagne vers la lumière. L'agitation colorée de l'extérieur tranche avec l'ambiance de la chambre noire. Je me tourne vers notre guide pour le remercier de sa gentillesse. Il se tient maladroitement, le regard fixe derrière ses lunettes noires. J'avais complètement oublié. Il est aveugle ! Là il à l'air d'un infirme. Avant, dans le noir, c'était moi l'infirme. Et lui, si à l'aise, était mon guide.
 
J'ai particulièrement apprécié cette expérience. Elle m'a rappelé que l'une des principales difficultés de la dégustation est la concentration. Afin de bien déguster, il faut pouvoir se concentrer. Oublier tout ce qui nous entoure pour se focaliser sur la perception de nos sens : vue, odorat, goût. Dans la chambre noire, la dégustation m'a paru aisée. Dans le noir total, sans perturbation extérieure, la concentration est plus facile. Et la dégustation peut être plus pertinente. C'est décidé. Je mûre les fenêtres de ma salle de dégustation !   ;-)

J'ai expérimenté cette dégustation dans le cadre de Bordeaux Fête le Vin. Elle était organisée par la Chambre d'Agriculture de la Gironde et a pu être vécue par 5 000 personnes.
Lien vers la société ETHIK à l'origine du concept de la chambre noire, spécialiste d'expériences dans le noir et d'un regard différent sur le handicap http://www.danslenoir.com/

jeudi 21 mars 2013

La Chine, Bordeaux et le Vin : business et Amitié

Les relations entre la Chine et Bordeaux sont au beau fixe.
La Chine vient de prendre la place de 1er marché des vins de Bordeaux à l’export. Plus de 40 propriétés bordelaises ont été acquises par des investisseurs chinois ces 3 dernières années. Le CIVB vient d’ouvrir un bar à vin à Shanghai et la région Aquitaine prévoit l’ouverture prochaine d’une Maison du Sud-Ouest à Wuhan...
Au-delà de ces relations commerciales se nouent également des relations amicales… 
 
 
L’Association Amicale des Chinois du Sud-Ouest en France regroupe les ressortissants Chinois s’installant dans notre région. Elle compte plus de 200 membres.
Ses missions sont notamment :
-       faire la promotion des charmes et des opportunités du Sud-Ouest de la France auprès des investisseurs chinois
-       favoriser l’intégration des Chinois s’installant dans le Sud-Ouest de la France
-       favoriser les échanges entre nos 2 cultures et promouvoir le commerce entre les 2 pays. 


Le Président Huang entouré du Consul de France
et du représentant de la mairie de Bordeaux
Les membres de l’association se sont réunis ce dimanche 17 mars pour mettre à l’honneur leur Président Monsieur Lin-Sheng HUANG. Celui-ci vient d’être réélu pour un 3ème mandat de 3 ans à la tête de l’association.
Monsieur Huang est le gérant de la société de négoce installée cours Tourny, dans le centre de Bordeaux, La Cave du Dynastie. Cette jeune société commercialise vers la Chine une gamme étendue de vins, pour la plupart issus du Bordelais, avec plus de 400 châteaux référencés, de la petite production familiale au grand cru classé, en passant par la production de caves coopératives.
Monsieur Huang est un homme affable et agréable, d’un tempérament calme, presque réservé. Tout le contraire de sa dynamique, tonitruante et virevoltante épouse Lee Lee   ;-)  
Cette soirée de prestige s’est déroulée en présence du Consul de Chine en France, et du représentant d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux.
Un très beau spectacle de danses et chants traditionnels chinois a ponctué le repas.
Les discours ont été marqués par la touchante déclaration d’amour à la France du Consul de Chine en France, qui a rappelé avec une certaine nostalgie sa période étudiante sur le campus de Bordeaux III. Discours salué par les applaudissements spontanés de la vingtaine de Français présents parmi les 200 invités Chinois. 

J’ai eu l’honneur d’être invité à cette manifestation ; l’occasion de mieux comprendre la culture chinoise et son approche du vin.
Le dépaysement a été total. Décors chinois dans la très belle salle où s’est tenu l’événement. Tenues traditionnelles des charmantes hôtesses Chinoises de l’accueil. Très grande majorité des convives de nationalité chinoise. Essentiel des discours en mandarin. Discussions sur les tables alentours exclusivement en chinois… Une vraie immersion.
J’ai tout de suite été surpris par l’effervescence qui régnait là, par le dynamisme qui émanait de cette assemblée. Chefs d’entreprises, investisseurs, restaurateurs, commerçants…, mais aussi journalistes de la presse écrite ou de télévisions chinoises, ainsi que quelques étudiants également, fréquentant nos meilleures grandes école d’ingénieurs ou de commerce. A un moment, un étudiant Français à ma table me dit : « Qu’est-ce que je suis en retard ! J’ai discuté avec les étudiants Chinois, ils sont tous déjà entrepreneurs ! Patron d’une petite boutique, restaurateur, actionnaire d’une entreprise…. Moi je suis juste étudiant… ». 
 
Le repas (de qualité) était accompagné de 3 vins :
-       un Sauternes 2010 – Gallien de Château Dudon de style moderne, souple et frais, sur le fruit, qui a bien plu aux Français
-       un Pessac Léognan blanc 2005 – Château Haut-Nouchet qui lui, avait un peu perdu de sa fraicheur
-       un Saint-Emilion Grand Cru Classé 1996 – Château Cap de Mourlin fondu et complexe, arrivé à sa parfaite maturité.
C’est du moins comme cela que j’ai apprécié ces vins, avec mon palais à la française.
Le palais chinois a lui, trempé ses lèvres dans le vin blanc doux, puis a rapidement, dès le foie gras, testé le rouge de Saint-Emilion, sans s’intéresser au blanc sec. Car si les vins de Bordeaux font référence pour les Chinois, cette référence est exclusivement rouge. J’ai dit «testé» car on ne peut pas proprement parler de dégustation. Le Chinois ne déguste pas, il avale. Et les magnums de Cap de Mourlin (qui se mariant à merveille avec le grenadin de veau fermier méritaient assurément mieux) sont rapidement apparus trop petits. Car le Chinois trouve mille raisons pour trinquer tout au long du repas. Après chaque discours, après chaque plat, après chaque artiste du spectacle, après chaque bon mot au cours des discussions… Que sais-je encore, moi qui ne comprends pas un mot de chinois, qui suis ignare de leur culture… Toute la soirée a été ponctuée de toasts de petits groupes se levant à un bout ou l’autre de la salle, vidant leur verre de Saint-Emilion GCC cul-sec : «gãn bẽi !» (traduction : le verre est vide !). Mais le Chinois est très convivial et très communicatif. Et moi aussi j’ai passé la soirée à trinquer, avec le Consul, le Président, des étudiants et nombre de convives plus sympathiques les uns que les autres. 
 
Avec Lin-Sheng Huang
En fin de soirée, la tombola a permis, par tirage au sort parmi les numéros qui nous avaient été remis, de désigner les gagnants de bouteilles de prestige. 3 bouteilles de Pavillon Rouge de Château Margaux, 2 bouteilles de Château Latour et le gros lot : une bouteille de Château Lafite-Rothschild (mythique dans les références chinoises) étaient mises en jeu. Je n’ai pas gagné à la tombola, mais j’ai gagné beaucoup plus au cours de cette soirée. La considération et l’Amitié de nombreux Chinois de France, ainsi qu’une meilleure connaissance de leur culture considérée, à juste titre, comme l’une des plus riches qui soit.