Dans mon message Millésime 2012, du 21 août 2012, au sujet de la qualité des vins de
2012, je vous disais : « Je répondrai en
novembre. Quand on aura vendangé. Analysé. Goûté. Quand on aura vinifié.
Ecoulé. Soutiré. Après 2 mois de travail aux côtés des viticulteurs pour
extraire le meilleur de la matière première. Lorsqu’on aura vécu ensemble le
millésime. Alors, on aura une idée. Alors, on dégustera les vins nouveaux. Et
là, on saura. Là je vous dirai… ».
Voici
le moment venu d’avoir une première analyse pertinente du nouveau millésime.
Qu’il fut compliqué ce millésime 2012 ! Depuis la
fleur se déroulant dans des conditions climatiques défavorables entrainant un
retard et une hétérogénéité de maturité sur la majorité des parcelles, jusqu’à
la récolte où il fallut jongler entre pluies, maturité et états sanitaires.
Notre
état d’esprit est passé du scepticisme au printemps, puis à l’optimisme
retrouvé au beau fixe de l’été ; de l’inquiétude due au stress hydrique
prononcé début septembre, au fatalisme accompagnant les abondantes pluies au
moment de la récolte.
Et
finalement, au bout du tunnel… la belle surprise.
Stéphane Renversade |
Les blancs secs ont été récoltés début septembre, avant les
pluies. Les rendements sont particulièrement faibles (50 hl/ha en sauvignon et
60 hl/ha en sémillon), mais la qualité est remarquablement réussie. Après des
fermentations assez rapides, les sauvignons s'expriment en intenses notes
exotiques et d'agrumes, les sémillons en notes florales. L’élevage sur lies
fines permet de fondre la nervosité par l'acquisition de gras et de longueur de
bouche. Un grand millésime de sec à Bordeaux !
Les rosés récoltés à partir de la dernière décade de septembre,
qu'ils soient de pressée ou de saignée, sont également très réussis. Leur
cinétique fermentaire fût exceptionnellement rapide et sans difficulté. Ils se
caractérisent par des couleurs pâles comme le veut la tendance actuelle. Les
arômes sont explosifs avec une grande pureté d’expression : fruits frais, notes
de bonbons acidulés. Leurs bouches sont souples, fraiches et équilibrées,
gagnant là encore, en gras et en finesse grâce à des bâtonnages sur lies. Une
grande réussite !
Damien Houx |
Après beaucoup
d’observations, de patience, de visite de parcelles, de dégustation des baies, les
vendanges des rouges ont commencé fin septembre pour les secteurs les plus
précoces et véritablement le 8 octobre pour la majorité des secteurs, soit 3
semaines plus tard que le millésime 2011.
La maturation a été lente
mais favorisée par les températures douces de septembre et octobre, permettant d'atteindre de très belles concentrations des pellicules en couleur et en fruits, ainsi qu'une parfaite maturité des pépins. La plupart
des parcelles ont pu être vendangées à un niveau de maturité très abouti, sans
surmaturation.
L’essentiel des rouges a été récolté en à peine 15 jours, entre
le 8 et le 25 octobre, à la fois pour les merlots et les cabernets. En effet, suite
aux pluies de début octobre, les baies à la peau épaisse, la maturité
imparfaite, et indemnes de Botrytis, se transformèrent, en l'espace de 24 à 48 heures,
en fruits parfaitement mûrs aux peaux devenues fines et pourrissantes. Une
course contre la montre s’est alors déclenchée dans le vignoble. Dans les conditions du millésime, ce n’est qu’à mesure que les
parcelles atteignaient leur pleine maturité que le Botrytis se développait.
Ainsi, la pourriture des baies les plus avancées en maturité était la condition
sine qua non à accepter pour récolter un ensemble à maturité optimale.
Mariannick Doffin |
La vinification des Merlots fut
relativement aisée avec de bonnes cinétiques fermentaires, favorisées par une
bonne richesse naturelle en azote assimilable, des potentiels en alcools
modérés (13 - 14 %) et des températures extérieures douces. Par contre, l’extraction au cours de la
macération a été bien plus complexe. Il fallait bien travailler la matière pour
extraire suffisamment de couleur et de structure.
En fin de fermentation les
vins apparaissaient colorés mais étaient difficiles à déguster : un peu
austères, très acides et manquant cruellement de gras. Les
opérations d’immergeage des marcs, cliquage et macération finale à 30°C avec
parfois des délestages juste avant écoulage furent très bénéfiques. Après 3
semaines de macération,
les vins ont gagné en sucrosité, en
gras, en chair, enrobant de ce fait l’acidité des vins et équilibrant la
structure.
Stéphane Courrèges |
Que dire des cabernets ?
Leur vendange a été réalisée dans l’urgence pour la majorité d’entre
eux, car dès le début de la récolte, les états sanitaires se sont très
rapidement dégradés, avec des maturités hétérogènes.
Les Cabernets francs
ont été récoltés particulièrement mûrs, avec un Botrytis qui n’est arrivé qu’à mesure
que les parcelles atteignaient leur pleine maturité, et n’a pas dégradé la
qualité. Il en a été de même pour une bonne partie des Cabernets sauvignons. Mais
les plus tardifs ont parfois pourris avant d’être mûrs.
Leur vinification fut pointue car il fallait suffisamment extraire, sans
aller trop loin. Il fallait trouver le juste équilibre. En étant vigilant nous avons obtenu pour
une majorité des cuves des vins colorés, avec beaucoup de fruit, de fraicheur et
de rondeur. Comme pour les Merlots, les macérations post fermentaires ont été
très bénéfiques pour parfaire les équilibres.
2012 est un excellent millésime de blancs secs et de rosés, mais ne sera pas un grand millésime
de rouges comme le sont 2009 et 2010. La Nature n’a pas été assez généreuse. Mais 2012
est assurément un bon millésime.
Les rendements sont déficitaires. 40
hl/ha à Pomerol, 45 hl/ha en Médoc, 50 hl/ha à Saint-Emilion ou en Côtes, 55
hl/ha en Entre2Mers.
Les Merlots sont colorés, ronds avec de
beaux arômes de fruits mûrs. Les Cabernets francs sont souples et frais, avec
de belles expressions de petits fruits noirs et d’épices. Les Cabernets
sauvignons sont concentrés en couleur et en structure, avec des nez de fruits
rouges et de notes poivrées. Enfin, le cépage le plus réussi du millésime est
probablement le Malbec. Sombre en couleur et puissant en structure, ils
expriment d’intenses arômes d’épices.
Ces différents cépages, les différentes
parcelles, permettront d’élaborer toute une palette de vins adaptés aux
différents marchés. Depuis les vins Fun
qui seront très réussis, jusqu’aux grands vins d’élevage boisé, en passant par
les productions de vins classiques de nos différentes appellations.