L’élaboration d’un nouveau millésime est une pièce de théâtre
en 4 actes :
Acte I : Vendanges – Fermentation –
Macération
Acte II : Ecoulage – Pressurage - Malolactique
Acte
III : Assemblage - Elevage
Acte IV : Mise en Bouteilles
Pour ma part, j’aime beaucoup le dialogue intimiste de
l’Acte I – Scène 4.
ACTE I – Scène 1
Après des semaines d’observations dans le vignoble, de
mesures et de contrôles au laboratoire, Producteur et Œnologue ont enfin choisi
la date de récolte, parcelle par parcelle.
Difficile compromis cette année entre maturité
retardée, état sanitaire dégradé et météo mouillée.
ACTE I – Scène 2
Les rideaux des chais s’ouvrent pour accueillir la Vendange
de l’année. Matériels sophistiqués et petites mains s’affairent pour choyer les
meilleurs raisins et écarter les autres.
ACTE I – Scène 3
La vinification commence, les Levures montent sur
scène. Le Vinificateur bichonne les petites bêtes : températures idéales,
menus enrichis en vitamines, oxygénation. Parallèlement il travaille sa Vendange,
maintenant en cuve. Il caresse ses raisins, les baigne dans leur jus. Ajuste
les températures, brasse, infuse…
ACTE I – Scène 4
Les Levures ont terminé leur festin. Le jus de fruit
s’est transformé en Vin Nouveau.
C’est l’entrée en scène de l’Œnologue.
L’Œnologue est là, depuis le début de la pièce. Il a
arpenté les vignes, gouté les raisins, pisté le Botrytis, proposé une date de
récolte, accompagné la Vendange, surveillé les Levures, interprété les analyses,
rassuré le Producteur, guidé l’extraction, dégusté le jus qui se transforme…
Mais c’est lorsque les Levures quittent la scène qu’il est sous les
projecteurs.
C’est ce moment-là que j’aime bien. Une scène intimiste, à 3 personnages.
Le Vin Nouveau, le Producteur et l’Œnologue.
Le Vin Nouveau placé dans le verre, est au centre de
la scène. Il raconte. Une longue tirade. Il exprime sa couleur, son intensité,
sa teinte. Il dévoile ses arômes, la maturité du fruit, son état
d’oxydo-réduction. Il révèle sa structure. Acidité, tanins, rondeur.
Concentration, densité, longueur.
L’Œnologue écoute. Parfois il demande une précision au
Producteur. L’Œnologue est attentif, il cherche à comprendre. Son objectif est
simple : amener le Vin Nouveau à l’équilibre gustatif.
Cet équilibre, gage d’un Vin réussi, ne vient pas du
premier coup, ne vient pas tout seul. Souvent, le Vin Nouveau est tout d’abord
agressif car à dominante vive et sèche. Il lui manque la rondeur, le gras,
indispensables à un équilibre harmonieux. Cette rondeur, il faut aller la
chercher, dans la peau, dans les pépins, dans l’intimité du raisin. Alors on
prolonge la macération, on ajuste les températures et les doses d’oxygène, on cuit à petit feu, on infuse… Et on revient déguster le Vin Nouveau quelques
jours plus tard. Et on reviendra encore jusqu’à atteindre l’équilibre
recherché.
J’aime bien ce dialogue avec le Vin. Le Vin nous parle. Nous dit ses
limites et son potentiel. Nous montre la voie vers l’équilibre. Il nous suffit
de l’écouter. De l’entendre. Et de mettre notre savoir et notre expérience au
service de son équilibre. De sa qualité future.
La scène se termine lorsque le Vin Nouveau arrive à
l’équilibre, lorsqu’il exprime le meilleur de son potentiel. La vinification
arrive à son terme. Alors Producteur et Œnologue décident de mettre au monde le
Nouveau Vin. C’est l’écoulage.
Le rideau tombe. Fin de l’ACTE I.
Acte I – Scène 4. C’est
la scène qui se déroule actuellement dans l’intimité des chais.
Les décisions qui sont prises là, vont influencer fortement le profil des
vins nouveaux. Après des mois de travaux viticoles, des semaines de vendanges,
ces quelques jours vont faire le millésime 2013. Inscrire définitivement sa
qualité. Cela se passe ici et maintenant. Et j’adore y participer.