J’ai été peu bavard ces derniers jours.
J’ai passé l’essentiel de mon temps dans les vignes, à goûter les raisins. Sous le soleil, sous la pluie, sous le vent… De longues journées. Difficiles. Mais tellement passionnantes !
Alors, où en est la Maturité au 30 septembre 2012 ?
La dégustation des baies est très riche en information. Les jus apparaissent sucrés, sans acidité marquée. La chair, gélatineuse jusqu’à présent, tend à se liquéfier suite aux pluies du début de la semaine. Les peaux sont toujours épaisses et dures. Les pépins deviennent bruns ; ils s’aoûtent et perdent leur agressivité astringente. C’est au niveau des arômes que l’évolution est la plus marquée. Les arômes végétaux ont totalement disparus, «brûlés» par les températures élevées et la sècheresse du mois d’août. Les arômes dominants sont fruités. Fruit frais pour les parcelles les moins avancées, fruit mûr pour les plus précoces. Parfois on est dans un «vide aromatique», avant le fruit frais (parcelles les plus en retard) ou avant le fruit mûr. D’une manière très générale, la dégustation des baies indique que la maturation évolue bien et que la maturité est proche.
Les Merlots sont aujourd’hui valorisables en vinification.
En rosé pour les parcelles les moins avancées. En rouge Fun pour la plupart, en rouge traditionnel pour les plus précoces.
Les parcelles des terroirs les plus précoces sont arrivées à maturité optimale vers le 23-24 septembre. Leur récolte a été décalée avant ou après la pluie.
Les parcelles médianes atteignent leur maturité actuellement. Il devrait y avoir beaucoup de monde dans les vignes à partir du début octobre.
Les terroirs plus tardifs devront attendre une semaine de plus, à partir du 08 octobre.
REMARQUES :
Cabernets :
Je ne vous parle que des Merlots. C’est tout simplement que les Cabernets ne sont pas mûrs. Patience. Leur tour viendra.
Fermeté de la chair et de la peau des baies :
La liquéfaction de la pulpe et l’amincissement de la peau sont des marqueurs de la maturité. Or en 2012, la chair tend à rester gélatineuse et les peaux restent épaisses et dures. Une dégustation attentive des baies révèle que la chair est plus liquide et la peau plus fine pour les parcelles bien alimentées en eau (qui ne sont pas plus mûres pour autant). A contrario, les parcelles souffrant de stress hydrique présentent des chairs et des peaux plus fermes. Ainsi, cet aspect fermeté des baies est-il autant un marqueur de l’alimentation en eau de la plante que de sa maturité. Les mêmes constats ont pu être faits pour d’autres millésimes tardifs et secs tels 2010 et 2000. Vouloir à tout prix vendanger quand les peaux se seront affinées peut conduire à la surmaturation. Ce paramètre n’est pas pour moi, prioritaire dans le déclenchement des vendanges cette année.
Etat sanitaire :
Botrytis est présent au vignoble depuis juin, nous le savons tous. Chaleur et sècheresse en août et en septembre, l’on fait très discret et on pourrait l’oublier. Pourtant il est réapparu dès la première pluie du lundi 24 septembre. Sur les baies fragilisées, par un vers de la grappe, par échaudage ; dans les parcelles vigoureuses, mal drainées. Il devrait se rendormir à la faveur de journées chaudes et sèches et de nuits fraiches. Attention néanmoins. A mesure que les baies vont mûrir, que les peaux vont s’affiner, la fragilité à Botrytis va s’accroitre. Les prochaines pluies importantes pourraient le voir se développer de manière explosive.
Ban des Vendanges :
Tradition du Moyen-âge, le Ban des Vendanges, quoi qu’on en pense, marquait le démarrage généralisé de la récolte il y a encore quelques années. Sa suppression en 2009 a laissé les producteurs sans repère. Depuis, il n’y a plus de démarrage généralisé. Certains commencent, d’autres pas. On ramasse une parcelle, deux, puis on s’arrête quelques jours. On effectue une vendange à la carte, récoltant chaque parcelle à son optimum, par rapport à son potentiel et son objectif produit. Sans repère, le producteur s’est rapproché de son conseiller. Le binôme travaille de concert, chacun apportant son expérience, son expertise, afin de trouver le meilleur compromis. La Viticulture est ainsi passée d’une gestion collective (ban des vendanges, commission de maturité) à une expertise individuelle. Et c’est un grand progrès pour la qualité des vins de Bordeaux.
Premiers éléments sur la qualité du millésime 2012 :
Il est trop tôt pour parler de la qualité des vins de 2012. Il va d’abord falloir choisir le bon jour de ramassage. Extraire en vinification le meilleur des raisins récoltés. Maîtriser les microorganismes… Aujourd’hui on ne peut parler que de la qualité de la matière première.
Les équilibres Sucres-Acides sont bons. La couleur, favorisée par la grande amplitude de températures jour/nuit, est importante. Les pépins sont mûrs et libèreront peu de tanins agressifs. Les arômes expriment le fruit. Ces caractères sont ceux de fruits d’un bon niveau de maturité et de belle qualité.
3 paramètres compromettent la qualité d’un millésime :
1. Un état sanitaire dégradé (Botrytis)
2. Une maturité inaboutie avec notamment présence de caractère végétal
3. La dilution liée à des rendements excessifs.
A ce jour, aucune de ces limites n’est présente au vignoble. L’état sanitaire est très bon. La maturité sera bonne à la récolte. Les rendements sont modérés. Tous les éléments sont rassemblés pour produire de bons vins en 2012.