lundi 26 novembre 2012

Millésime 2012, la belle surprise

Article réalisé en commun avec les œnologues de mon équipe : Stéphane Renversade, Damien Houx, Mariannick Doffin et Stéphane Courrèges.

Dans mon message Millésime 2012, du 21 août 2012, au sujet de la qualité des vins de 2012, je vous disais : « Je répondrai en novembre. Quand on aura vendangé. Analysé. Goûté. Quand on aura vinifié. Ecoulé. Soutiré. Après 2 mois de travail aux côtés des viticulteurs pour extraire le meilleur de la matière première. Lorsqu’on aura vécu ensemble le millésime. Alors, on aura une idée. Alors, on dégustera les vins nouveaux. Et là, on saura. Là je vous dirai… ».
Voici le moment venu d’avoir une première analyse pertinente du nouveau millésime.

Qu’il fut compliqué ce millésime 2012 ! Depuis la fleur se déroulant dans des conditions climatiques défavorables entrainant un retard et une hétérogénéité de maturité sur la majorité des parcelles, jusqu’à la récolte où il fallut jongler entre pluies, maturité et états sanitaires.
Notre état d’esprit est passé du scepticisme au printemps, puis à l’optimisme retrouvé au beau fixe de l’été ; de l’inquiétude due au stress hydrique prononcé début septembre, au fatalisme accompagnant les abondantes pluies au moment de la récolte.
Et finalement, au bout du tunnel… la belle surprise.


Stéphane Renversade
Les blancs secs ont été récoltés début septembre, avant les pluies. Les rendements sont particulièrement faibles (50 hl/ha en sauvignon et 60 hl/ha en sémillon), mais la qualité est remarquablement réussie. Après des fermentations assez rapides, les sauvignons s'expriment en intenses notes exotiques et d'agrumes, les sémillons en notes florales. L’élevage sur lies fines permet de fondre la nervosité par l'acquisition de gras et de longueur de bouche. Un grand millésime de sec à Bordeaux !
Les rosés récoltés à partir de la dernière décade de septembre, qu'ils soient de pressée ou de saignée, sont également très réussis. Leur cinétique fermentaire fût exceptionnellement rapide et sans difficulté. Ils se caractérisent par des couleurs pâles comme le veut la tendance actuelle. Les arômes sont explosifs avec une grande pureté d’expression : fruits frais, notes de bonbons acidulés. Leurs bouches sont souples, fraiches et équilibrées, gagnant là encore, en gras et en finesse grâce à des bâtonnages sur lies. Une grande réussite !
 

Damien Houx
Après beaucoup d’observations, de patience, de visite de parcelles, de dégustation des baies, les vendanges des rouges ont commencé fin septembre pour les secteurs les plus précoces et véritablement le 8 octobre pour la majorité des secteurs, soit 3 semaines plus tard que le millésime 2011.
La maturation a été lente mais favorisée par les températures douces de septembre et octobre, permettant d'atteindre de très belles concentrations des pellicules en couleur et en fruits, ainsi qu'une parfaite maturité des pépins. La plupart des parcelles ont pu être vendangées à un niveau de maturité très abouti, sans surmaturation.
L’essentiel des rouges a été récolté en à peine 15 jours, entre le 8 et le 25 octobre, à la fois pour les merlots et les cabernets. En effet, suite aux pluies de début octobre, les baies à la peau épaisse, la maturité imparfaite, et indemnes de Botrytis, se transformèrent, en l'espace de 24 à 48 heures, en fruits parfaitement mûrs aux peaux devenues fines et pourrissantes. Une course contre la montre s’est alors déclenchée dans le vignoble. Dans les conditions du millésime, ce n’est qu’à mesure que les parcelles atteignaient leur pleine maturité que le Botrytis se développait. Ainsi, la pourriture des baies les plus avancées en maturité était la condition sine qua non à accepter pour récolter un ensemble à maturité optimale.

 
Mariannick Doffin
La vinification des Merlots fut relativement aisée avec de bonnes cinétiques fermentaires, favorisées par une bonne richesse naturelle en azote assimilable, des potentiels en alcools modérés (13 - 14 %) et des températures extérieures douces.  Par contre, l’extraction au cours de la macération a été bien plus complexe. Il fallait bien travailler la matière pour extraire suffisamment de couleur et de structure.
En fin de fermentation les vins apparaissaient colorés mais étaient difficiles à déguster : un peu austères, très acides et manquant cruellement de gras. Les opérations d’immergeage des marcs, cliquage et macération finale à 30°C avec parfois des délestages juste avant écoulage furent très bénéfiques. Après 3 semaines de macération, les vins ont gagné en sucrosité, en gras, en chair, enrobant de ce fait l’acidité des vins et équilibrant la structure.
 

Stéphane Courrèges
Que dire des cabernets ?
Leur vendange a été réalisée dans l’urgence pour la majorité d’entre eux, car dès le début de la récolte, les états sanitaires se sont très rapidement dégradés, avec des maturités hétérogènes.
Les Cabernets francs ont été récoltés particulièrement mûrs, avec un Botrytis qui n’est arrivé qu’à mesure que les parcelles atteignaient leur pleine maturité, et n’a pas dégradé la qualité. Il en a été de même pour une bonne partie des Cabernets sauvignons. Mais les plus tardifs ont parfois pourris avant d’être mûrs.
Leur vinification fut pointue car il fallait suffisamment extraire, sans aller trop loin. Il fallait trouver le juste équilibre. En étant vigilant nous avons obtenu pour une majorité des cuves des vins colorés, avec beaucoup de fruit, de fraicheur et de rondeur. Comme pour les Merlots, les macérations post fermentaires ont été très bénéfiques pour parfaire les équilibres.
 
2012 est un excellent millésime de blancs secs et de rosés, mais ne sera pas un grand millésime de rouges comme le sont 2009 et 2010. La Nature n’a pas été assez généreuse. Mais 2012 est assurément un bon millésime.
Les rendements sont déficitaires. 40 hl/ha à Pomerol, 45 hl/ha en Médoc, 50 hl/ha à Saint-Emilion ou en Côtes, 55 hl/ha en Entre2Mers.
Les Merlots sont colorés, ronds avec de beaux arômes de fruits mûrs. Les Cabernets francs sont souples et frais, avec de belles expressions de petits fruits noirs et d’épices. Les Cabernets sauvignons sont concentrés en couleur et en structure, avec des nez de fruits rouges et de notes poivrées. Enfin, le cépage le plus réussi du millésime est probablement le Malbec. Sombre en couleur et puissant en structure, ils expriment d’intenses arômes d’épices.
Ces différents cépages, les différentes parcelles, permettront d’élaborer toute une palette de vins adaptés aux différents marchés. Depuis les vins Fun qui seront très réussis, jusqu’aux grands vins d’élevage boisé, en passant par les productions de vins classiques de nos différentes appellations.

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