mercredi 25 mars 2020


Le Millésime 2017
 Année particulièrement précoce / Année du Gel



Toutes les données climatiques proviennent de la station météo de Saint-Emilion (source : Demeter)

Le début de l’hiver 2017 est froid et particulièrement sec, avec notamment – 2,2°C en janvier par rapport à la moyenne des 20 dernières années. A l’inverse, février et mars sont doux (+ 1,5 à 2 °C) et légèrement humide. Le déficit de pluviométrie en fin d’hiver est de -25%.
Fin mars, particulièrement doux, avec des journées à 25°C, favorise un débourrement précoce. La sortie apparait homogène avec peu de fenêtres et de nombreux contre-bourgeons.


Un gel historique
      

Avril très doux et très sec favorise une bonne pousse et limite le développement des maladies cryptogamiques (Mildiou, Black Rot, Oïdium).
Vers la fin du mois, un brusque refroidissement les 21 et 22 avril et surtout les 27, 28 et 29, avec des températures jusqu’à -5°C, brûle les parties végétatives déjà particulièrement bien développées. C’est un gel historique qui frappe le vignoble de Bordeaux, mais également de nombreuses régions viticoles en France, en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Italie et en Espagne.
Les dégâts sont très variables selon les situations, avec des parcelles pas ou peu touchées et des milliers d’hectares détruits à 100%.
La repousse des fenêtres et des contre-bourgeons est observée environ 4 semaines après le gel. La sortie de grappes est très variable, mais toujours déficitaire. On estime la perte de rendement au niveau du Bordelais à -50%.


Un millésime multiple


Suite au gel, le millésime devient multiple, avec des vignes non gelées et d’autres complètement ou partiellement gelées.
Mai et juin, doux (+ 1,5 °C) et humides, favorisent une bonne reprise de la végétation. La pousse est particulièrement active, autant pour les rameaux, que les entre-cœurs et les pampres. Les différentes opérations d’épamprage, levage, relevage, rognage… arrivent toutes en même temps, et les travaux en verts prennent du retard.
Pour les vignes non gelées, la mi-floraison est observée vers le 25-30 mai, positionnant le millésime 2017 parmi les plus précoces des 20 dernières années, avec 2011, 2003 et 1997. La floraison est rapide et homogène, avec très peu de coulure. Les vignes gelées, elles, fleurissent avec 3 semaines de retard, vers la mi-juin. Fin juin, une semaine de pluie (95 mm cumulés) réduit le déficit hydrique.
En juillet et août, les températures sont conformes aux moyennes, malgré un mois de juillet avec un fort déficit d’ensoleillement. La pluviométrie est à nouveau déficitaire ; il ne tombe que 40% des pluies habituelles (50 mm en 70 jours – 01/07 au 07/09). Fin août, le déficit de pluviométrie depuis le début de l’année est de -20%.
La mi-véraison des vignes non gelées est observée autour du 25 juillet, confirmant l’extrême précocité du millésime (2 semaines d’avance sur la moyenne). La véraison est précoce et regroupée. Les vignes gelées vèrent avec 2 semaines de retard, vers le 15 août.


Des vendanges rapides


La récolte des cépages Blancs commence dans les derniers jours d’août, sous d’excellentes conditions.

Début septembre (03 au 18 septembre) une période de 15 jours froids (-1,6°C) et humides (50 mm en 10 jours ininterrompus), avec une faible amplitude de températures jour/nuit, retarde la maturation. La pluie tant espérée arrive mais en même temps favorise le développement du Botrytis. Il s’en suivra un démarrage généralisé des vendanges des cépages rouges. Elles seront rapides et se termineront avec les derniers jours de septembre.


Une vendange plus hétérogène que jamais

La particularité de la vendange 2017 est son extrême hétérogénéité suite au gel d’avril : parcelles non touchées par le gel, parcelles entièrement gelées fleurissant avec 3 semaines de retard, parcelles gelées partiellement, certains pieds gelés dans une parcelle et d’autres non… L’hétérogénéité des situations est inédite et pose le problème du tri des différentes qualités. Tri d’autant plus compliqué par la perte de récolte qui diminue les rendements et oblige à changer les habitudes de gestion parcellaire et le remplissage des cuves, les cuves s’avérant souvent trop grandes pour les faibles quantités récoltées. La solution idéale consiste en un tri minutieux des différentes maturités et un étalement de la récolte. Les conditions météo de mi-septembre et la pression Botrytis n’ont souvent pas permis sa mise en œuvre. Souvent le tri se limite à 3 catégories : les meilleurs potentiels, les moins bons et le reste.


Parcelles de Merlot du Libournais photographiées le même jour (17/08/2017)



Une maturité inespérée

L’analyse et la dégustation des baies à la veille de la récolte révèlent une maturité au-delà des espérances.


Les niveaux de Sucres sont bons sans être excessifs pour les vignes non gelées (parfois un peu justes pour les cabernets). Les Acidités – notamment l’Acide Malique - apportent de la fraîcheur. Les arômes sont fruités et frais, sans surmaturation et avec très peu de notes végétales. Les pépins sont mûrs avec des tanins apportant de la rondeur et sans agressivité.


Tout porte à croire que les vignes gelées, peu chargées, ont accéléré leur processus de maturation. Ainsi, alors qu’en moyenne la durée entre mi-floraison et récolte et de 110 jours pour le cépage Merlot, l’observation sur Merlots gelés cette année montre une durée de maturation de 95 jours et donc un rattrapage de maturité.





Une vinification technique

La récolte est rapide, la principale difficulté consistant à obtenir des cuves pleines vues les faibles quantités vendangées.
Les aspects fermentaires se déroulent rapidement et sans problème, ni d’arrêt de fermentation, ni de malolactiques, ni de pression Brettanomyces.
L’extraction de la couleur et de la structure des vins rouges est plus délicate. La matière apparait ‘’avare’’, ne voulant pas donner. Il faudra aux vinificateurs de la patience et la mise en œuvre de tous leurs savoir-faire (gestion des températures, remontages, délestages…) pour obtenir les concentrations et équilibres recherchés.


Une qualité surprenante

A la dégustation, les vins nouveaux révèlent une qualité surprenante.

Les Blancs sont particulièrement réussis grace à un climat ayant permis de conserver la fraicheur du fruit. Les Blancs secs sont aromatiques et frais avec des bouches souples et tendues par une bonne acidité. Les Blancs liquoreux ont bénéficié d’une installation précoce du Botrytis favorisant une bonne concentration. Ils expriment finesse et fraicheur du fruit, volume, gras et longueur en bouche : un grand millésime
Les Rosés, amyliques ou variétaux, sont souples et vifs, avec des finales très douces, et présentent des couleurs très pâles en phase avec la demande du consommateur.


Les rouges sont hétérogènes. Ils présentent très peu de caractères végétaux comme on pouvait l’attendre mais soufrent parfois d’un manque de concentration. Ils allient souplesse et fraicheur en entrée de gamme, rondeur et densité pour les plus ambitieux, mais toujours avec une très bonne buvabilité. Des vins très en phase avec la demande des Marchés.


2017 : millésime historique

Le millésime 2017 restera dans les mémoires. On en parlera à nos enfants en évoquant ces nuits glaciales de fin avril qui ont détruit près de 50% de la production. Les conséquences économiques sont désastreuses pour les producteurs mais également pour toute la filière (négociants, courtiers, fournisseurs…) et au-delà toute l’économie régionale, fortement dépendante de l’activité viticole.

Les vins du millésime seront eux, dégustés avec plaisir car 2017 est un bon millésime, à la qualité inespérée.

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