Le Millésime 2017
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Toutes les données climatiques proviennent de la station météo de Saint-Emilion (source : Demeter) |
Le début de
l’hiver 2017 est froid et particulièrement sec, avec notamment – 2,2°C en janvier
par rapport à la moyenne des 20 dernières années. A l’inverse, février et mars
sont doux (+ 1,5 à 2 °C) et légèrement humide. Le déficit de pluviométrie en
fin d’hiver est de -25%.
Fin mars,
particulièrement doux, avec des journées à 25°C, favorise un débourrement
précoce. La sortie apparait homogène avec peu de fenêtres et de nombreux
contre-bourgeons.
Un gel historique
Avril très
doux et très sec favorise une bonne pousse et limite le développement des
maladies cryptogamiques (Mildiou, Black Rot, Oïdium).
Vers la fin
du mois, un brusque refroidissement les 21 et 22 avril et surtout les 27, 28 et
29, avec des températures jusqu’à -5°C, brûle les parties végétatives déjà particulièrement
bien développées. C’est un gel historique qui frappe le vignoble de Bordeaux,
mais également de nombreuses régions viticoles en France, en Allemagne, en
Suisse, en Autriche, en Italie et en Espagne.
Les dégâts
sont très variables selon les situations, avec des parcelles pas ou peu
touchées et des milliers d’hectares détruits à 100%.
La repousse
des fenêtres et des contre-bourgeons est observée environ 4 semaines après le
gel. La sortie de grappes est très variable, mais toujours déficitaire. On
estime la perte de rendement au niveau du Bordelais à -50%.
Un millésime multiple
Suite au
gel, le millésime devient multiple, avec des vignes non gelées et d’autres
complètement ou partiellement gelées.
Mai et juin,
doux (+ 1,5 °C) et humides, favorisent une bonne reprise de la végétation. La
pousse est particulièrement active, autant pour les rameaux, que les entre-cœurs
et les pampres. Les différentes opérations d’épamprage, levage, relevage, rognage…
arrivent toutes en même temps, et les travaux en verts prennent du retard.
Pour les vignes non gelées, la mi-floraison est observée
vers le 25-30 mai, positionnant le millésime 2017 parmi les plus précoces des
20 dernières années, avec 2011, 2003 et 1997. La floraison est rapide et
homogène, avec très peu de coulure. Les vignes gelées, elles, fleurissent avec
3 semaines de retard, vers la mi-juin. Fin juin, une semaine de pluie (95 mm
cumulés) réduit le déficit hydrique.
En juillet
et août, les températures sont conformes aux moyennes, malgré un mois de
juillet avec un fort déficit d’ensoleillement. La pluviométrie est à nouveau
déficitaire ; il ne tombe que 40% des pluies habituelles (50 mm en 70
jours – 01/07 au 07/09). Fin août, le déficit de pluviométrie depuis le début
de l’année est de -20%.
La mi-véraison des vignes non gelées est observée autour du
25 juillet, confirmant l’extrême précocité du millésime (2 semaines d’avance
sur la moyenne). La véraison est précoce et regroupée. Les vignes gelées vèrent
avec 2 semaines de retard, vers le 15 août.
Des vendanges rapides
La récolte
des cépages Blancs commence dans les derniers jours d’août, sous d’excellentes
conditions.
Début
septembre (03 au 18 septembre) une période de 15 jours froids (-1,6°C) et
humides (50 mm en 10 jours ininterrompus), avec une faible amplitude de
températures jour/nuit, retarde la maturation. La pluie tant espérée arrive
mais en même temps favorise le développement du Botrytis. Il s’en suivra un
démarrage généralisé des vendanges des cépages rouges. Elles seront rapides et
se termineront avec les derniers jours de septembre.
Une vendange plus hétérogène que
jamais
La
particularité de la vendange 2017 est son extrême hétérogénéité suite au gel
d’avril : parcelles non touchées par le gel, parcelles entièrement gelées
fleurissant avec 3 semaines de retard, parcelles gelées partiellement, certains
pieds gelés dans une parcelle et d’autres non… L’hétérogénéité des situations
est inédite et pose le problème du tri des différentes qualités. Tri d’autant
plus compliqué par la perte de récolte qui diminue les rendements et oblige à
changer les habitudes de gestion parcellaire et le remplissage des cuves, les
cuves s’avérant souvent trop grandes pour les faibles quantités récoltées. La
solution idéale consiste en un tri minutieux des différentes maturités et un
étalement de la récolte. Les conditions météo de mi-septembre et la pression
Botrytis n’ont souvent pas permis sa mise en œuvre. Souvent le tri se limite à
3 catégories : les meilleurs potentiels, les moins bons et le reste.
Parcelles
de Merlot du Libournais photographiées le même jour (17/08/2017)
Une maturité inespérée
L’analyse et
la dégustation des baies à la veille de la récolte révèlent une maturité
au-delà des espérances.
Tout porte à
croire que les vignes gelées, peu chargées, ont accéléré leur processus de
maturation. Ainsi, alors qu’en moyenne la durée entre mi-floraison et récolte
et de 110 jours pour le cépage Merlot, l’observation sur Merlots gelés cette
année montre une durée de maturation de 95 jours et donc un rattrapage de
maturité.
Une vinification technique
La récolte
est rapide, la principale difficulté consistant à obtenir des cuves pleines
vues les faibles quantités vendangées.
Les aspects
fermentaires se déroulent rapidement et sans problème, ni d’arrêt de
fermentation, ni de malolactiques, ni de pression Brettanomyces.
L’extraction
de la couleur et de la structure des vins rouges est plus délicate. La matière
apparait ‘’avare’’, ne voulant pas donner. Il faudra aux vinificateurs de la
patience et la mise en œuvre de tous leurs savoir-faire (gestion des températures,
remontages, délestages…) pour obtenir les concentrations et équilibres
recherchés.
Une qualité surprenante
A la dégustation,
les vins nouveaux révèlent une qualité surprenante.

Les Rosés,
amyliques ou variétaux, sont souples et vifs, avec des finales très douces, et
présentent des couleurs très pâles en phase avec la demande du consommateur.
Les rouges sont
hétérogènes. Ils présentent très peu de caractères végétaux comme on pouvait
l’attendre mais soufrent parfois d’un manque de concentration. Ils allient
souplesse et fraicheur en entrée de gamme, rondeur et densité pour les plus
ambitieux, mais toujours avec une très bonne buvabilité. Des vins très en phase
avec la demande des Marchés.
2017 : millésime historique
Le millésime
2017 restera dans les mémoires. On en parlera à nos enfants en évoquant ces
nuits glaciales de fin avril qui ont détruit près de 50% de la production. Les
conséquences économiques sont désastreuses pour les producteurs mais également
pour toute la filière (négociants, courtiers, fournisseurs…) et au-delà toute
l’économie régionale, fortement dépendante de l’activité viticole.
Les vins du
millésime seront eux, dégustés avec plaisir car 2017 est un bon millésime, à la
qualité inespérée.
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