Encore
un coup de com des Bordelais me direz-vous. Eh bien non, et nous allons voir
pourquoi.
Le
millésime 2016 a tout d’abord été exceptionnel par ses conditions climatiques.
Du jamais vu de mémoire de vigneron.
en Rouge ou Bleu : données mensuelles en Jaune : moyenne des 20 dernières années |
Un hiver exceptionnellement doux et arrosé
L’hiver 2015-2016 a été le plus chaud
jamais enregistré en France (depuis 1900). Dans le Bordelais, Janvier et Février
sont doux également, avec 2°C de plus que la moyenne hivernale, mais ce début
d’année est accompagné d’importantes précipitations. Il pleut presque tous les
jours. En Janvier, il pleut 2,5 fois ce qu’il tombe d’habitude ! Certaines
parcelles sont inondées en Janvier et Février rendant les travaux d’hiver
difficiles.
A l’inverse de l’hiver, le printemps
est frais avec près d’1°C de déficit sur les moyennes. Il est lui aussi humide,
avec de nombreux orages heureusement sans dégâts de grêle conséquents,
contrairement à d’autres régions viticoles.
En Avril, la météo fraiche et humide,
avec parfois des sols gorgés d’eau ralentit la pousse et favorise l’asphyxie
racinaire. Fin Avril-début Mai une baisse des températures entraine des gelées
avec des dégâts heureusement localisés en Médoc, Pessac-Léognan, Blayais et
Nord Libournais. Fin Mai la grêle touche le vignoble du sud Libournais avec
heureusement, des dégâts limités.
Vers le 25 Mai, des journées chaudes
favorisent enfin une bonne croissance de la vigne et voient l’apparition des
premières fleurs. Mais la Floraison se déroule sous une météo fraiche et humide
faisant craindre le spectre de la coulure de 2013. Il pleut notamment fin Mai
(début Floraison) et mi-Juin (fin Floraison). Il en résulte une Floraison tardive,
étalée et hétérogène avec 2 générations de grappes décalées de 1 semaine, ainsi
qu’un peu de millerandage mais heureusement pas de coulure.
La mi-Floraison des Merlots est observée du 06 au 15 Juin selon la précocité des secteurs, laissant présager un début de récolte des Merlots vers le 25 Septembre en secteur précoce et le 05 Octobre en secteur tardif.
La mi-Floraison des Merlots est observée du 06 au 15 Juin selon la précocité des secteurs, laissant présager un début de récolte des Merlots vers le 25 Septembre en secteur précoce et le 05 Octobre en secteur tardif.
Juin est lui aussi humide et frais
(-1,5°C), ainsi au début de l’été, le millésime apparait tardif et productif avec
une forte pression du mildiou. Mais à partir de la fin du mois, tout change. L’été
s’installe enfin et coupe le robinet de la pluie ouvert depuis le début de
l’année.
L’été sera chaud et particulièrement
sec, avec une période de sècheresse de 80 jours (24 Juin – 12 Septembre), qui
entraine un arrêt de croissance précoce et net, facteur important de qualité.
Il est marqué par trois périodes de canicule (17-19 Juillet, 13-16 Août et
23-27 Août). A partir de la mi-Août on observe les premiers signes de stress
hydrique sur jeunes vignes à enracinement superficiel et sur sols filtrants. Ces
parcelles souffriront de la canicule avec, début Septembre, des défoliations
parfois sévères. Mais l’essentiel du vignoble, bien arrosé en hiver et au
printemps s’adaptera très bien à cette situation exceptionnelle.
Les premières baies vérées sont
observées en secteur précoce vers le 25 Juillet, mais le temps très chaud et
sec n’est pas favorable à la Véraison. Elle ne s’enclenchera franchement que
suite à la pluie du 04 août. La véraison sera lente et tardive mais favorisée
par une belle fin de saison.
Sècheresse :
13 mm de pluie pendant 80 jours
|
La mi-Véraison est observée entre le 08 et le 18 Août
selon la précocité des secteurs. Ce qui correspond à des dates de récolte vers
le 25 Septembre pour les Merlots précoces et début Octobre en secteur tardif.
Septembre est lui aussi particulièrement
chaud avec 1,5 °C de plus que la moyenne. Canicule, sècheresse, stress
hydrique… un climat peu habituel en Bordelais ! La maturité s’affole avec
des chargements importants en Sucres, une montée rapide des Degrés potentiels
et une chute des Acidités. Et puis, les 13 et 14 Septembre, la pluie tant attendue
après 80 jours de sècheresse, arrive. Environ 40 mm. Et tout change à nouveau.
La montée des Degrés et la chute des Acides Maliques ralentissent. Sucres et
Acides s’équilibrent.
Les nuits sont fraiches (10/15°C), les
journées chaudes (25/30°C). Une bonne amplitude thermique favorable à une bonne
maturation des pellicules des raisins et des pépins, tout en conservant la fraicheur du fruit. Parallèlement, le risque
Botrytis s’éloigne.
La maturité se met en place. Son
évolution et lente mais le potentiel qualité devient magnifique.
Tout est en
place, les vendanges peuvent commencer.
Les conditions climatiques de l’année
permettent de prévoir le potentiel qualitatif d’un millésime, mais on ne découvre
vraiment le millésime qu’au moment de la dégustation des baies.
Le cycle climatique 2016 ne ressemble
à aucun autre. Le cycle végétatif se rapproche du millésime 2012, avec une fin
de maturation particulièrement lente. La dégustation des baies, elle, évoque le
millésime 2010 : les baies sont croquantes, gorgées de sucres et fraiches
à la fois, avec d’intenses arômes de petits fruits noirs ; les pellicules
sont riches de tanins doux ; les pépins se mangeraient comme des
noisettes.
Enfin, les premiers vins rouges du
millésime rappellent également 2010 ou encore 2000 : couleurs rouge sang, nez
petits fruits noirs (mûre, myrtille), bouches structurées, puissantes. Un
potentiel magnifique !
2016
restera dans les mémoires pour les conditions exceptionnelles qui lui ont donné
naissance : déluge en hiver, sécheresse en été, superbe arrière-saison.
Ces conditions extrêmes et inédites nous font perdre nos repères, naitre l’inquiétude.
Comment la vigne va-t-elle s’adapter ? Quelle qualité de raisin va-t-elle
produire ? Alors on est prudent. On attend de voir. On pense aussi à tous
ces vignobles durement touchés cette année, par la cruauté de Dame Nature :
gel, grêle, sècheresse. Beaujolais, Bourgogne, Cognac, Champagne, Languedoc, Val de
Loire… Alors on est discret, on ne pavane pas. On pense à eux. On est solidaire. Bordeaux, par miracle, est passé au travers. Du gel, de la grêle, de la sècheresse, de la coulure. Bordeaux, l’exception 2016.
Article repris en anglais dans DECANTER par Jane Anson :
RépondreSupprimerhttp://www.decanter.com/wine/wine-regions/bordeaux-2016-harvest-report-343634/
Le bon vin c'est la nature qui l'enfante... ce millésime a été bien couvé par de bonnes conditions climatiques.
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