J’aime
bien la semaine des Primeurs.
Cela
me fait penser à une grande fête, m’évoque le bal de fin d’année, le bal des
débutantes.
On
a soigné la décoration, sortie la belle vaisselle, mis les petits plats dans
les grands… Ici on prendra l’apéritif sur la terrasse, là on déjeunera dans la
grande salle à la décoration somptueuse, ou on profitera de l’ambiance feutrée
du grand chai…
C’est
également un lieu privilégié de rencontres. Les proches que l’on côtoie au
quotidien, nos relations, et puis ces amis plus lointains qu’on est heureux de
revoir, ceux que l’on croise une fois par an lors de ce rendez-vous, et ceux
que l’on rencontre pour la première fois.
Et
puis il y a les débutantes. Toutes ces fillettes (*) apprêtées pour nous
plaire, pour nous séduire… Elles ont revêtues leurs parfums les plus enivrants,
se sont parées de leurs plus belles robes, et nous dévoilent leurs corps, leurs
rondeurs, encore bien jeunes mais remplis de promesses…
4 grands types de vins
rouges
J’ai
sillonné le département pendant ces quelques jours, de dégustation en
dégustation. L’occasion de croiser la Baronne Philippine de Rothschild, Adriana
Karembeu, l’auteur de BD Corbeyran, le journaliste Jacques Dupont… De dialoguer
avec Dany Rolland, Pierre Lurton, Paul Pontallier, Stéphane Derenoncourt,
Hubert de Boüard… De rencontrer Nicolas Lesaint du Château de Reignac, dans la vraie vie… De saluer Michel Rolland,
Denis Dubourdieu, et tant d’autres… Et bien sûr de regarder sous les jupes des
fillettes pour comprendre ce qu’elles y cachent.
Ce
millésime 2013 nous révèle 4 grands types de vins rouges :
§ Des vins fruités et frais à la bouche
souple. Ce sont des vins légers avec un faible potentiel de garde. Ce sont les
vins qui se sont le mieux goûtés en ce début avril (environ 30% des vins).
§ Des vins plus structurés mais avec une
finale agressive dominée par l’acidité et les tanins. Ce sont des vins plus
ambitieux qu’il est nécessaire de fondre et d’équilibrer au cours de l’élevage.
Ces vins n’étaient pas prêts et ne se sont pas bien dégustés (environ 50% des
vins).
§ Des vins fruités, ronds et équilibrés,
avec une concentration plus ou moins importante. Ce sont les meilleurs vins du
millésime, également les plus rares (environ 10% des vins).
§ D’autres enfin, faibles et dilués,
voire à la netteté imparfaite, ou alors tellement écrasés par le bois qu’il n’y
avait plus de vin. Heureusement, ceux-là aussi sont rares (environ 10% des
vins).
Je
ne blâmerai personne, tant je sais combien ce millésime a été difficile.
Lien : 2013, millésime de manques.
Au
contraire, félicitons plutôt toutes ces propriétés qui ont réussi de vrais
beaux vins. Démontrant par-là que 2013 n’est pas un mauvais millésime mais bien
un millésime multiple, avec des vins moyens et d’autres réussis.
La
dégustation en Primeurs est un art des plus difficiles. Elle n’est pas innée et
demande une vraie grande expérience. Au-delà de l’appréciation dans l’instant,
elle exige d’avoir la capacité à projeter le vin dans son évolution. Pour cela,
il faut comprendre sa richesse tannique, son niveau d’acidité, sa sucrosité, la
maturité de son fruit et de ses tanins, l’équilibre entre ces différents
constituants et leur capacité à évoluer en interaction les uns avec les autres.
C’est un art que probablement seuls 10% des dégustateurs présents aux Primeurs
maitrisent.
Je
ne suis moi-même pas tout à fait sûr d’avoir bien compris tous les vins
dégustés pendant cette semaine, tant le millésime est compliqué. Même s’ils ne
se sont pas bien dégustés car ils n’étaient vraiment pas prêts en ce début de
printemps, j’ai préféré ces vins qui ont présenté une structure un peu
agressive mais une vraie structure. On parlera beaucoup de surextraction pour
le millésime 2013, mais je ne partage pas cette analyse. OUI ces vins étaient
agressifs avec une finale tannique et amère. NON il ne s’agit pas de
surextraction mais de manque de gras et de chair en milieu de bouche pour
enrober les tanins. Il n’y a pas de surextraction car dans tous les cas les
structures demeurent moyennes. Il y a déséquilibre car l’acidité est
dominante et renforce la perception tannique. Ces vins déséquilibrés et
agressifs aujourd’hui, ont la structure suffisante pour se fondre et gagner en
harmonie au cours de leur élevage. A l’inverse, je pense que tous ces vins
agréables car fruités et souples que l’on a pu déguster un peu partout, sont
surtout légers et n’ont aucune capacité d’évolution favorable au cours de leur
élevage. Ils demeureront, au mieux, des petits vins souples et agréables.
Une campagne Primeurs
atypique
N’oublions pas que cette grande messe des Primeurs est avant tout une opération commerciale. Au-delà de la communication, il s’agit bien de présenter des vins à vendre. Le timing habituel est le suivant :
1. Présentation des vins lors des
Primeurs
2. Publication des notes de dégustation
par les critiques influents
3. Annonce du prix de sortie des vins par
les propriétés
4. Réservation des allocations par les
acheteurs
5. Livraison des vins au client final 12
à 18 mois plus tard
Ce
principe, immuable depuis 40 ans est aujourd’hui sérieusement remis en question.
L’an
dernier, certains grands châteaux (Latour, Yquem) ont décidé de renoncer à ce
marché pour vendre, en direct, leurs vins au moment de la mise en bouteilles. Cette
année, d’autres sont sortis, avant même la présentation en Primeurs. De
nombreux châteaux sont sortis avant la publication des notes des critiques. D’ailleurs,
le plus influant : Bob Parker, n’est pas venu déguster les Primeurs. Il
prévoit de les déguster et de les noter, en Mai. Il est probable qu’alors, ses
notes n’intéresseront plus personnes.
La
qualité, moyenne, du millésime 2013 encourage les châteaux à accélérer la mise
en marché. Mais ce que le Marché attend avant tout, est une baisse
significative des prix. Les stocks de grands crus à prix élevés seraient
importants... Les châteaux déjà sortis affichent une baisse de l’ordre de - 10%
(- 5 à - 15%). Pas sûr que cette baisse modérée soit suffisante pour dynamiser
une campagne qui s’annonce atone…
Au
Château Margaux, Thibault Pontallier nous donne sa vision du marché Primeurs
2013 : ’’La demande des acheteurs
américains, chinois, brésiliens… est timide. Le Marché attend que nous fassions
un geste, nos prix seront raisonnables. Nous sommes conscients d’avoir réussi,
au Château Margaux, les meilleurs vins du millésime, mais nous serons à l’écoute
de nos clients.’’ Fin avril, Château Margaux est sorti à 250 €HT, soit - 16%.

Mon best of Primeurs 2013
J’ai eu l’occasion de déguster les vins présentés aux châteaux d'Arsac, Beauséjour-Bécot, Faurie de Souchard, Fonroque, Gazin, Lagrange, La Dominique, La Gaffelière, Lafon-Rochet, Margaux, Marquis de Terme, Mouton-Rothschild, ainsi qu’au Grand Théatre, au Grand Hôtel de Bordeaux, à la Bourse, ou encore à la Maison des Bordeaux. Voici ceux qui ont retenu mon attention (en gras, mes coups de cœur) :
J’ai eu l’occasion de déguster les vins présentés aux châteaux d'Arsac, Beauséjour-Bécot, Faurie de Souchard, Fonroque, Gazin, Lagrange, La Dominique, La Gaffelière, Lafon-Rochet, Margaux, Marquis de Terme, Mouton-Rothschild, ainsi qu’au Grand Théatre, au Grand Hôtel de Bordeaux, à la Bourse, ou encore à la Maison des Bordeaux. Voici ceux qui ont retenu mon attention (en gras, mes coups de cœur) :
Saint-Julien : C’est incontestablement la réussite du
millésime ! Des couleurs profondes, des fruits mûrs, de la rondeur, de la
chair, de la concentration… Tout ce qui manque si cruellement à la plupart des
vins du millésime. Ne vinifiant pas dans cette appellation, je ne sais pas par
quel miracle ils sont si réussis, mais il faut bien constater qu’ils sont tous
bons ! Tellement qu’il me faut les citer tous :
Médoc :
Clément Saint Jean – du Périer – Fleur la Mothe – Haut
Condissas – Lassus – Tour Castillon
Haut-Médoc : de
Gironville – Larose Perganson – d’Agassac
– Beaumont – Lamothe Bergeron
Listrac : Clarke – Saransot Dupré
Moulis :
Guitignan – Moulin à Vent – Poujeaux
Margaux : d’Arsac – l’Aura de Cambon – Margaux
Pauillac : Fonbadet
– Pichon Longueville Baron –
Clerc Milon – Grand Puy Lacoste – Lynch Bages
Saint-Estèphe : Petit
Bocq – Lafon Rochet – de
Pez – Sérilhan
Pessac - Léognan : Clos
des Carmes Haut Brion – La Louvière – Pape Clément
Fronsac : Les Trois Croix
Lussac :
des Landes – La Rose Perrière
Montagne : Faizeau – la Grande Barde
Puisseguin : des Laurets
Saint-Emilion GC : Beauséjour HDL
– de Candale – la Dominique – Péby Faugères
– Angélus – Beauséjour Bécot – Balestard
la Tonnelle – Canon la Gaffelière – Fleur Cardinale – Pavie Macquin – Rol
Valentin – Troplong Mondot
Lalande : la Fleur de Boüard – la Vallière
Pomerol : Clinet – Clos du Clocher – la Fleur du
Roy
Blancs secs : de
Reignac – Couhins Lurton – Pavillon Blanc de Château Margaux
(*) Une fillette
est un format de bouteille. En l’occurrence, c’est le nom donné à la ½ bouteille
de 37,5 cl
Retrouvez mon interview avec mon collaborateur Damien Houx, par Jacques Dupont et Olivier Bompas sur lepoint.fr :
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Retrouvez mon interview par Laura Bernaulte du magazine Terre de Vins :
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