mercredi 30 avril 2014

PRIMEURS 2013, le bal des débutantes

J’aime bien la semaine des Primeurs.
Cela me fait penser à une grande fête, m’évoque le bal de fin d’année, le bal des débutantes.
On a soigné la décoration, sortie la belle vaisselle, mis les petits plats dans les grands… Ici on prendra l’apéritif sur la terrasse, là on déjeunera dans la grande salle à la décoration somptueuse, ou on profitera de l’ambiance feutrée du grand chai…
C’est également un lieu privilégié de rencontres. Les proches que l’on côtoie au quotidien, nos relations, et puis ces amis plus lointains qu’on est heureux de revoir, ceux que l’on croise une fois par an lors de ce rendez-vous, et ceux que l’on rencontre pour la première fois.
Et puis il y a les débutantes. Toutes ces fillettes (*) apprêtées pour nous plaire, pour nous séduire… Elles ont revêtues leurs parfums les plus enivrants, se sont parées de leurs plus belles robes, et nous dévoilent leurs corps, leurs rondeurs, encore bien jeunes mais remplis de promesses…
 

4 grands types de vins rouges 
 
J’ai sillonné le département pendant ces quelques jours, de dégustation en dégustation. L’occasion de croiser la Baronne Philippine de Rothschild, Adriana Karembeu, l’auteur de BD Corbeyran, le journaliste Jacques Dupont… De dialoguer avec Dany Rolland, Pierre Lurton, Paul Pontallier, Stéphane Derenoncourt, Hubert de Boüard… De rencontrer Nicolas Lesaint du Château de Reignac, dans la vraie vie… De saluer Michel Rolland, Denis Dubourdieu, et tant d’autres… Et bien sûr de regarder sous les jupes des fillettes pour comprendre ce qu’elles y cachent.

Ce millésime 2013 nous révèle 4 grands types de vins rouges :
§  Des vins fruités et frais à la bouche souple. Ce sont des vins légers avec un faible potentiel de garde. Ce sont les vins qui se sont le mieux goûtés en ce début avril (environ 30% des vins).
§  Des vins plus structurés mais avec une finale agressive dominée par l’acidité et les tanins. Ce sont des vins plus ambitieux qu’il est nécessaire de fondre et d’équilibrer au cours de l’élevage. Ces vins n’étaient pas prêts et ne se sont pas bien dégustés (environ 50% des vins).
§  Des vins fruités, ronds et équilibrés, avec une concentration plus ou moins importante. Ce sont les meilleurs vins du millésime, également les plus rares (environ 10% des vins).
§  D’autres enfin, faibles et dilués, voire à la netteté imparfaite, ou alors tellement écrasés par le bois qu’il n’y avait plus de vin. Heureusement, ceux-là aussi sont rares (environ 10% des vins). 

Je ne blâmerai personne, tant je sais combien ce millésime a été difficile. Lien : 2013, millésime de manques.
Au contraire, félicitons plutôt toutes ces propriétés qui ont réussi de vrais beaux vins. Démontrant par-là que 2013 n’est pas un mauvais millésime mais bien un millésime multiple, avec des vins moyens et d’autres réussis. 

La dégustation en Primeurs est un art des plus difficiles. Elle n’est pas innée et demande une vraie grande expérience. Au-delà de l’appréciation dans l’instant, elle exige d’avoir la capacité à projeter le vin dans son évolution. Pour cela, il faut comprendre sa richesse tannique, son niveau d’acidité, sa sucrosité, la maturité de son fruit et de ses tanins, l’équilibre entre ces différents constituants et leur capacité à évoluer en interaction les uns avec les autres. C’est un art que probablement seuls 10% des dégustateurs présents aux Primeurs maitrisent.
Je ne suis moi-même pas tout à fait sûr d’avoir bien compris tous les vins dégustés pendant cette semaine, tant le millésime est compliqué. Même s’ils ne se sont pas bien dégustés car ils n’étaient vraiment pas prêts en ce début de printemps, j’ai préféré ces vins qui ont présenté une structure un peu agressive mais une vraie structure. On parlera beaucoup de surextraction pour le millésime 2013, mais je ne partage pas cette analyse. OUI ces vins étaient agressifs avec une finale tannique et amère. NON il ne s’agit pas de surextraction mais de manque de gras et de chair en milieu de bouche pour enrober les tanins. Il n’y a pas de surextraction car dans tous les cas les structures demeurent moyennes. Il y a déséquilibre car l’acidité est dominante et renforce la perception tannique. Ces vins déséquilibrés et agressifs aujourd’hui, ont la structure suffisante pour se fondre et gagner en harmonie au cours de leur élevage. A l’inverse, je pense que tous ces vins agréables car fruités et souples que l’on a pu déguster un peu partout, sont surtout légers et n’ont aucune capacité d’évolution favorable au cours de leur élevage. Ils demeureront, au mieux, des petits vins souples et agréables.
 
Une campagne Primeurs atypique

N’oublions pas que cette grande messe des Primeurs est avant tout une opération commerciale. Au-delà de la communication, il s’agit bien de présenter des vins à vendre. Le timing habituel est le suivant :

1.    Présentation des vins lors des Primeurs
2.    Publication des notes de dégustation par les critiques influents
3.    Annonce du prix de sortie des vins par les propriétés
4.    Réservation des allocations par les acheteurs
5.    Livraison des vins au client final 12 à 18 mois plus tard 

Ce principe, immuable depuis 40 ans est aujourd’hui sérieusement remis en question.
L’an dernier, certains grands châteaux (Latour, Yquem) ont décidé de renoncer à ce marché pour vendre, en direct, leurs vins au moment de la mise en bouteilles. Cette année, d’autres sont sortis, avant même la présentation en Primeurs. De nombreux châteaux sont sortis avant la publication des notes des critiques. D’ailleurs, le plus influant : Bob Parker, n’est pas venu déguster les Primeurs. Il prévoit de les déguster et de les noter, en Mai. Il est probable qu’alors, ses notes n’intéresseront plus personnes.
La qualité, moyenne, du millésime 2013 encourage les châteaux à accélérer la mise en marché. Mais ce que le Marché attend avant tout, est une baisse significative des prix. Les stocks de grands crus à prix élevés seraient importants... Les châteaux déjà sortis affichent une baisse de l’ordre de - 10% (- 5 à - 15%). Pas sûr que cette baisse modérée soit suffisante pour dynamiser une campagne qui s’annonce atone…
Au Château Margaux, Thibault Pontallier nous donne sa vision du marché Primeurs 2013 : ’’La demande des acheteurs américains, chinois, brésiliens… est timide. Le Marché attend que nous fassions un geste, nos prix seront raisonnables. Nous sommes conscients d’avoir réussi, au Château Margaux, les meilleurs vins du millésime, mais nous serons à l’écoute de nos clients.’’ Fin avril, Château Margaux est sorti à 250 €HT, soit - 16%. 













 

Mon best of Primeurs 2013

J’ai eu l’occasion de déguster les vins présentés aux châteaux d'Arsac, Beauséjour-Bécot, Faurie de Souchard, Fonroque, Gazin, Lagrange, La Dominique, La Gaffelière, Lafon-Rochet, Margaux, Marquis de Terme, Mouton-Rothschild, ainsi qu’au Grand Théatre, au Grand Hôtel de Bordeaux, à la Bourse, ou encore à la Maison des Bordeaux. Voici ceux qui ont retenu mon attention (en gras, mes coups de cœur) :
 
Saint-Julien :  C’est incontestablement la réussite du millésime ! Des couleurs profondes, des fruits mûrs, de la rondeur, de la chair, de la concentration… Tout ce qui manque si cruellement à la plupart des vins du millésime. Ne vinifiant pas dans cette appellation, je ne sais pas par quel miracle ils sont si réussis, mais il faut bien constater qu’ils sont tous bons ! Tellement qu’il me faut les citer tous :
Léoville Poyferré - Léoville Barton - Langoa Barton - Beychevelle - Branaire Ducru - Lagrange - Gloria - Gruaud Larose - Saint Pierre - Talbot
 
Bordeaux Supérieur :  Titouan les Chapellesla Verrière – Candeley – Haut Rieuflaget – Laubès –  Penin – Pierrail – Tour de Gillet 

Médoc :  Clément Saint Jeandu Périer – Fleur la Mothe – Haut Condissas – Lassus – Tour Castillon 

Haut-Médoc :  de GironvilleLarose Perganson – d’Agassac – Beaumont – Lamothe Bergeron 

Listrac :  Clarke – Saransot Dupré

Moulis :  Guitignan – Moulin à Vent – Poujeaux

Margaux :  d’Arsac – l’Aura de Cambon – Margaux 

Pauillac :  FonbadetPichon Longueville Baron – Clerc Milon – Grand Puy Lacoste – Lynch Bages

Saint-Estèphe :  Petit Bocq – Lafon Rochet – de Pez – Sérilhan

Pessac - Léognan :  Clos des Carmes Haut Brion – La Louvière – Pape Clément 

Fronsac :  Les Trois Croix 

Lussac :  des Landes – La Rose Perrière 

Montagne :  Faizeau – la Grande Barde 

Puisseguin :  des Laurets 

Saint-Emilion GC : Beauséjour HDLde Candalela DominiquePéby Faugères – Angélus – Beauséjour Bécot – Balestard la Tonnelle – Canon la Gaffelière – Fleur Cardinale – Pavie Macquin – Rol Valentin – Troplong Mondot

Lalande : la Fleur de Boüard – la Vallière 

Pomerol : Clinet – Clos du Clocher – la Fleur du Roy

Blancs secs :  de Reignac – Couhins Lurton – Pavillon Blanc de Château Margaux 

 
(*) Une fillette est un format de bouteille. En l’occurrence, c’est le nom donné à la ½ bouteille de 37,5 cl

2 commentaires:

  1. Retrouvez mon interview avec mon collaborateur Damien Houx, par Jacques Dupont et Olivier Bompas sur lepoint.fr :
    http://www.lepoint.fr/vin/portraits/trois-questions-a-pascal-henot-et-damien-houx-12-04-2014-1812466_584.php

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  2. Retrouvez mon interview par Laura Bernaulte du magazine Terre de Vins :
    http://www.terredevins.com/actualites/primeurs-bordeaux-bordeaux-superieurs-2013-bon-millesime/

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