dimanche 6 octobre 2013

Millésime 2013 : des vendanges difficiles

La date de vendange est un élément clé de la qualité du vin.
4 paramètres interviennent lors de son choix :
La Maturité du raisin. Elle sera choisie en fonction de l’objectif produit : profil Thiol ou Terpénique pour un raisin blanc, profil Fruit Frais ou Fruit Mûr pour un cépage rouge, maturité phénolique pour un objectif grand vin rouge…
L’Etat Sanitaire. A mesure que le raisin mûrit, sa fragilité à la pourriture grise augmente. La pourriture est un facteur limitant de la qualité, notamment les années favorables au développement du Botrytis.
La Météo. Les conditions météorologiques ne sont un facteur limitant en soit mais de façon indirecte. Elles peuvent accélérer ou ralentir l’évolution de la maturité. Et surtout favoriser grandement la dégradation de l’état sanitaire. Enfin la pluie peut diluer la vendange le jour même de récolte.
La logistique. La disponibilité de la troupe de vendangeurs ou de la machine à vendanger, les préparatifs du chai, une panne, une mise en bouteilles urgente… sont autant d’éléments qui peuvent décaler le jour de la récolte. Cela peut surprendre mais en fait de tels imprévus sont très courants.

Maturité 2013

Les observations faites à la Floraison et à la Véraison permettent de prévoir des dates de récolte théoriques.
Voir  2013 : petit millésime ?
 


Les analyses de Maturité Technologique montrent une bonne évolution des caractéristiques du jus du raisin (Sucres et Acides) des différents cépages, avec une dizaine de jours de retard sur 2012. L’année est marquée par des baies de taille moyenne à petite, avec des richesses en Sucre moyennes et des Acidités particulièrement élevées. En effet, l’ensoleillement limité de Septembre n’a pas permis à la plante de synthétiser de grande quantité de sucres. D’autre part, la croissance continue de la vigne bien alimentée en eau et en éléments minéraux pendant tout son cycle, n’a entrainé aucune période de stress et la vigne n’a pas eu besoin de consommer son Acide Malique.

    Maturité au 01 octobre 2013   © Réseau de maturité des Centres Œnologiques du Bordelais
 

Les analyses de Maturité Phénolique concernent les caractéristiques de la pellicule et des pépins des raisins. Elles indiquent pour les Merlots une concentration en Anthocyanes (couleur) qui continue à augmenter ou tend vers un palier. La richesse en couleur apparait moyenne. En effet, le manque d’ensoleillement de Septembre et la trop faible amplitude des températures entre le jour et la nuit (environ 10°C) n’a pas permis à la plante de concentrer les pellicules en Anthocyanes. L’extractibilité de la couleur est également imparfaite. Par contre les pépins apparaissent dans l’ensemble, d’un bon niveau de maturité.
 
Evolution de la concentration en Anthocyane d’une parcelle de Merlot (Méthode CASV)

 
Valeurs moyennes des parcelles de Merlot (Méthode Glories)
 

Même si la grande hétérogénéité de la vendange la rend particulièrement difficile cette année, la dégustation des baies est toujours très riche en information et très pertinente. Elle révèle des jus assez sucrés mais très acides. La chair est encore un peu gélatineuse, notamment autour des pépins. Les peaux sont dans l’ensemble encore croquantes mais apparaissent très fines dans certains cas. Les pépins deviennent bruns, s’aoûtent et perdent leur agressivité astringente. Les arômes végétaux ont totalement disparus, «brûlés » par les températures élevées du mois d’août, ce que confirment les analyses d’IBMP (caractère aromatique poivron vert). Les arômes dominants sont fruités. La plupart des parcelles de Merlot sont au stade fruit frais, seules les plus précoces expriment le fruit mûr. Ces indications montrent que la maturité des Merlots évolue bien et que la plupart ne sont pas à leur maturité optimale à ce jour.
Une dégustation attentive des baies révèle une autre indication : il semble que dans de nombreuses parcelles, la matière ne soit pas très riche, pas très dense, pas très expressive… signe non pas d’un manque de maturité mais plutôt d’un manque de concentration.

Etat Sanitaire

La pourriture grise (Botrytis cinerea) est apparue très tôt au vignoble. Elle s’est installée au cœur des grappes sur les microblessures dues à la mauvaise floraison et aux boutons floraux avortés. En sommeil pendant le bel été 2013, elle est réapparue en septembre, suite à 15 jours froids et humides (06 – 20 septembre), avec des nuits chaudes (vers 15°C) et une humidité en permanence à saturation. Les premiers développements sur raisin ont étés observés vers le milieu du mois suite à des éclatements de baies. Les parcelles les plus fragiles sont bien sûr les parcelles de Merlot, sur sols filtrants ou labourés, ainsi que celles pour lesquelles la protection antibotrytis fait défaut. Ce sont également les parcelles les plus précoces et les plus mûres. Sur ces parcelles, la pourriture se développe tout d’abord rapidement, mais un temps chaud et sec à partir du 22 - jour de l’automne - fait sécher les grappes et transformer le Botrytis en pourriture noble. Un nouvel épisode pluvieux à la fin du mois de septembre relance le développement de la pourriture et déclenche le démarrage des vendanges.

Pourquoi une telle pression du Botrytis cette année ?

Il y a les conditions climatiques, bien sûr, favorables au développement du champignon, sur les raisins comme dans les prés et les bois. Mais il y a également la structure même de la pellicule des raisins de ce millésime. Celle-ci apparait particulièrement fragile et donc favorable à l’installation du Botrytis. Depuis 20 ans, le laboratoire de l’INRA de Bordeaux (ISVV) mesure le risque Botrytis (Potentiel de Réceptivité au Botrytis - PRB) par l’analyse des constituants de la pellicule des cépages Sauvignon B et Merlot N. Les Merlots de 2013 présentent d’une part, une importante teneur en Pectines Hydrosolubles correspondant à un substrat facilement dégradable par le Botrytis, et d’autre part une faible teneur en Tanins Pelliculaires correspondant à peu de défense de la pellicule vis-à-vis des attaques du Botrytis. Ainsi le PRB qui correspond au rapport de ces deux données est-il particulièrement élevé, ce qui correspond à un très grand risque Botrytis. C’est même le risque le plus élevé mesuré depuis 1994 !
Plus de détails : Potentiel de Réceptivité des baies de raisin au Botrytis en 2013

Vendanges

En ce début octobre, les Merlots des terroirs les plus précoces sont à maturité optimale. Les parcelles de maturité médiane sont au stade fruit frais et arriveront à pleine maturité en milieu de semaine prochaine, les parcelles les plus tardives à la mi-octobre. C’est à la mi-octobre également que les premiers Cabernets francs arriveront à maturité.
Malheureusement, la dégradation de l’état sanitaire dans de nombreuses parcelles ne permettra pas d’attendre ces dates idéales. De grandes surfaces de Merlot ont été récoltées ces jours derniers dans une course contre la montre pour rattraper le Botrytis et assurer le volume d’une récolte qui s’annonce déjà très déficitaire.
Tous les terroirs ayant tendance à vendanger en même temps, les plus précoces comme les plus tardifs, des problèmes de disponibilité des troupes de vendangeurs et de machine se posent. Par ailleurs, les caprices de la météo autant que l’imprécision des prévisions météorologique ajoutent à la confusion qui règne actuellement dans le vignoble. Les esprits s’échauffent et le pessimisme règne. Le consultant, par sa connaissance, son expertise et sa capacité à prendre du recul est l’allier du producteur. Son analyse demeure rigoureuse et sereine afin de l’aider à faire les bons choix.

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