vendredi 13 septembre 2013

2013 : petit millésime ?

Septembre. C’est la rentrée.
La rentrée des classes. La rentrée politique. La rentrée littéraire. La rentrée prochaine de la nouvelle récolte… C’est la période où on entend (ou lit) les premiers avis sur le futur millésime. Ca y est, on y est, on sait tout… 2013 petit millésime ? Petit en quantité ? Petit en qualité ?… Certains savent tout avant tout le monde. Avant ceux qui vont vendanger. Avant ceux qui vont vinifier, qui vont accompagner, créer le nouveau millésime. Ceux-là, les producteurs, les techniciens, les consultants… ne savent pas. Pas encore. Ceux-là savent que la Nature est complexe, multiple, et que rien n’est jamais joué d’avance. Que les semaines qui viennent sont fondamentales. Que ce sont elles qui feront la personnalité du millésime. On saura lorsque l’on dégustera les raisins, la veille de la récolte. Lorsque l’on vinifiera pour exprimer au mieux le potentiel de cette récolte. Et surtout, en novembre, au moment des écoulages. Là on saura, là je vous dirais.
Pour l’heure, on ne peut pas vendre la peau de l’ours avant qu’il ne soit mûr…  On ne peut que s’appuyer sur les faits, et en premier lieu, sur les conditions climatiques qui ont accompagné la naissance de ce nouveau millésime.

CLIMATOLOGIE 2013 - Station de Saint-Emilion          (Source : Chambre d'Agriculture Gironde)

en Rouge : données mensuelles
en Jaune : moyenne des 30 dernières années


L’hiver 2012-2013 a été froid et humide.
Au début du printemps, les sols superficiels sont proches de la saturation, les températures sont froides. Puis les températures douces de mi-avril favorisent un débourrement généralisé et homogène. On observe très peu de fenêtres et une sortie importante des contre-bourgeons. Le vignoble apparait joli et généreux, beaucoup plus homogène qu’en 2012.
Fin avril - début mai, le retour du froid ralentit la pousse. Les températures de mai sont exceptionnellement fraiches (- 3°C par rapport à la moyenne trentenaire). Même si les précipitations sont souvent peu importantes, il pleut pratiquement tous les jours. Ces conditions sont peu favorables à la pousse de la plante qui apparait souvent pâle et chétive avec localement des problèmes de carences minérales. Les inflorescences poussent plus vite que les feuilles, ainsi les grappes apparaissent-elles souvent énormes. Ces conditions peu favorables à la pousse sont également défavorables au développement des maladies.
Juin est très perturbé. Début juin, des températures plus douces favorisent la pousse, la vigne reverdit. S'en suit une période froide et pluvieuse qui fait craindre des problèmes de floraison (Coulure et Millerandage). En effet, la floraison se passe sur une période où la vigne est très poussante et les précipitations importantes, avec une succession de journées chaudes puis fraiches et une humidité moyenne > 70%. Le froid et l’excès d’eau bloquent l’évolution. La nouaison progresse très peu, les baies restent petites. On observe 15 jours de retard par rapport à 2012, et 2013 apparait comme l’année la plus tardive depuis 1997.
Cette succession de périodes chaudes puis humides favorise le développement du Botrytis qui apparait dans de nombreuses situations, autant sur feuille que sur grappes.
En juillet, on constatera les effets de ce printemps froid, humide et particulièrement perturbé. Coulure et surtout millerandage affecteront de façon très importante les cépages sensibles, entrainant des pertes de récoltes importantes, ainsi qu’une très grande hétérogénéité entre les parcelles, et au sein d’une même parcelle.
L’été est chaud et sec et la véraison se passe dans de bonnes conditions. Mais la fin juillet - début août restera marquée par de violents orages accompagnés de grêle qui ravageront de nombreux secteurs (Arveyres-Génissac 26/27 juillet --- Entre-Deux-Mers et Castillonnais 02 août). 20 000 Ha de vignobles seront touchés, parfois ravagés à 100%. Plus d'informations ici.
 
Les données du capteur de pollens de Saint-Emilion sont également riches d’enseignements.
Elles permettent de situer les dates de Floraison ainsi que son étalement. Il faut aussi rappeler que cette technique a été mise au point dans un objectif d’estimation quantitative. L’aire couverte par la courbe de pollinisation 2013 montre que peu de grains de pollen ont été captés dans l’atmosphère. Peu de pollen donc peu de fleurs et donc peu de fruits. Même si ces données peuvent être remises en cause selon la pluviométrie de l’été et de l’automne - qui peut faire varier la taille des baies - elles indiquent, dès le mois de juin, que la récolte risque d’être déficitaire.
 
La ½ Floraison des Merlots s’étale du 15 au 25 juin selon la précocité des terroirs, soit avec 15 jours de retard sur 2012.
La ½ Véraison des Merlots est observée du 15 au 30 août, soit avec 10 à 15 jours de retard sur 2012.

Ces observations permettent d'envisager des dates théoriques de vendanges.
  
 

Suite à ces constatations, voilà les seules conclusions que l’on peut tirer, dès à présent, sur ce nouveau millésime 2013 :

Précocité :  2013 sera un millésime tardif et il faudra savoir être patient avant de récolter

Quantité :  2013 sera déficitaire. Les dernières estimations prévoient une récolte normale en Blanc et déficitaire en Rouge avec des rendements de l’ordre de 35 Hl/Ha en Merlot. Soit un manque au niveau de la production bordelaise de 1 million d’Hl !

Qualité :  2013 sera de qualité hétérogène et, une nouvelle fois, le tri à la récolte sera l’une des clés de la réussite.
Pour ce qui concerne le niveau de qualité des vins de 2013, rendez-vous en novembre…

3 commentaires:

  1. Paul E-No-Conforme16 septembre 2013 à 08:48

    Article vraiment très intéressant et documenté, beau travail de synthèse. Merci Pascal.
    Je regrette seulement que ton introduction "vérité" retombe rapidement pour raisonner avec ta conclusion.
    Oui le millésime sera tardif, oui il sera peu abondant, oui il sera moyennement peu qualitatif. Et oui nous ferons tout pour valoriser les raisins que la nature aura bien voulue nous laisser, je doute néanmoins que les 15 jours à venir inversent le cours des choses pour les rouges.

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  2. Merci Paul !
    OUI 2013 part avec peu d’atout et OUI, jusqu’à la fin, tout est encore possible.
    OUI nous mettrons tout en œuvre pour réussir ce millésime. Au niveau du sud-ouest. A Bordeaux ou à Bergerac. En Côtes de Bourg ou à Saint-Emilion. Pour les blancs ou les rouges. Les Merlots ou les Cabernets. Le Château X ou le Château Y. La cuve I23 ou la B17… Notre passion est notre arme pour vaincre ce millésime. Nous le dompterons afin de ne révéler que le meilleur de lui-même.

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  3. Cet article a été repris sur vitisphere.com dans les dossiers CONSEIL d'EXPERT.
    lien :
    http://www.vitisphere.com/dossier-51082-Oenologie-Conseil-dExpert-Avis-dexpert-2013-dans-le-bordelais-un-petit-millesime-.html

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